Ne cherchez pas un tiroir à l'intérieur duquel ranger Roger Cantin. Le scénariste de La guerre des tuques avoue un penchant pour les films gore. Le réalisateur de Matusalem tourne son prochain long avec un budget minime. Autodidacte avant tout, Roger Cantin se laisse aussi séduire par le documentaire.

«Je suis un peu à part des autres», dit Roger Cantin. Simple constat plutôt qu'excuse ou vantardise. Roger Cantin se donne un côté «délinquant», mais aussi touche-à-tout: il écrit, réalise, mais se laisse aussi séduire par la post-production. On le voit volontiers comme l'homme des films pour enfants alors qu'il a un gros faible pour le Rodriguez de Planet Terror.

Cette semaine, Roger Cantin parle de deux films. D'abord, le film à venir, provisoirement appelé Toquade et fugue. Roger Cantin est en plein repérage, et cherchait un singe quand nous l'avons rencontré. Pierre Lebeau aura pour partenaire un singe, donc, mais aussi un enfant, pour un road-movie de 48 heures.

«Un film assez touchant», dit le réalisateur, qui n'a pas tourné de fiction depuis La forteresse suspendue, en 2001. Ce ne sont pas les idées qui ont manqué depuis, mais le financement. «J'ai cinq ou six scénarios prêts à tourner», dit-il. Aucun n'a passé la double étape institutionnelle, sauf Toquade et fugue, «le film le moins compliqué par rapport à mes autres projets».

Sur les aléas du financement du cinéma, Roger Cantin a un paquet de théories pour expliquer que ça passe... ou ça casse. Notamment son style, emprunt d'une «ironie qui fait rire, mais qui fait rire jaune. Je me suis souvent fait reprocher que ce soit trop pointu», croit-il.

Philosophe, il estime faire «un super beau métier. La partie chiante, c'est de persuader les gens». Le bonheur, lui, se trouve dans l'action. «Ce que j'aime, c'est être dans le feu de l'action, que tout le monde bouge», dit-il. Hors des tournages, Roger Cantin écrit - «J'ai quelques romans et des scénarios écrits au complet».

Au début des années 2000, Roger Cantin se lance dans le documentaire, grâce au producteur Jacques Lina. Il réalise notamment une série sur le dopage pour Dans les coulisses du hockey. Il se penche ensuite sur les dieux du cirque dans Kooza. À Vues d'Afrique, il présente cette semaine un nouveau documentaire, Ni sauvage, ni barbare.

Ni sauvage, ni barbare est la rencontre de Florent Vallant, un musicien innu, et de Yeschou, un peintre berbère. «Tous deux sont issus de culture que l'on a longtemps voulu faire disparaître», explique Roger Cantin. La distance géographique séparant le Canada du Maroc est immense; mais «les gens sont très proches».

Roger Cantin, lui aussi, est proche des gens. «Je suis assez curieux de nature», admet-il, avant de raconter comment, sur le tournage de Matusalem, à Cuba, il a fait de surprenantes rencontres. «Je trouve ça fascinant de voir comment les gens vivent là-bas: ça donne une autre vision du monde.»

L'envie de fixer ses réflexions, paroles, pensées, sur pellicule a frappé assez tôt Roger Cantin. Élève au séminaire de Saint-Hyacinthe, il fait des courts, d'abord pour amuser la galerie. Le jeu devient une passion. «Et là, ça ne peut plus s'arrêter», dit-il. Le jeune Cantin va même jusqu'à rendre presque l'intégralité de ses devoirs... en film. Sorti prématurément de l'école, Roger Cantin produit ses courts, en amateur, puis remporte son premier prix (140 000$) pour réaliser un court. Il opte pour la science-fiction - les extraterrestres envoient sur la Terre une tarte à la crème géante. «J'ai fait tous les effets spéciaux moi-même: ça marchait bien.»

La révélation arrive avec La guerre des tuques, l'un des classiques du genre. «Le défaut, c'est qu'on te voit pas dans ce que tu peux faire, mais dans ce que tu as fait», croit-il. Se débarrasser de l'image du cinéaste-pour-enfant n'a pas été facile. Aujourd'hui, Roger Cantin croit avoir réussi à troquer son étiquette, contre celle de Roger Cantin, réalisateur délinquant.

Ni sauvage, ni barbare est présenté à Vues d'Afrique le mercredi 16 avril, au Cinéma Beaubien, à 18h.