Le 24e festival Vues d'Afrique se termine dimanche. Un dernier week-end abondant, qui commence ce soir avec la présentation du documentaire Memory Books.

«L'Afrique, on sait comment elle meurt. Mais on ne sait pas comment elle vit.»

Cette phrase, lancée par l'écrivain suédois Henning Mankell, sonne étrangement juste. Alors que les médias nous relatent chaque jour les malheurs du continent noir, on oublie qu'au-delà des famines, des guerres et des maladies, des hommes et des femmes continuent à se tenir debout en regardant l'horizon.

C'est un peu le sujet du film Memory Books, qui sera présenté ce soir à l'ONF dans le cadre du festival Vues d'Afrique. Inspiré d'un livre de ce même Mankell (I Die but the Memory Lives On), ce documentaire de l'Allemande Christa Graf pose un regard plein d'espoir sur le problème du sida en Ouganda.

Mis sur pied par une ONG ougandaise, le concept des «memory books» (livres de souvenirs) est fort simple. On demande aux mères atteintes du VIH de consigner, dans un cahier, l'histoire de leur famille. Ce touchant travail de mémoire est ensuite légué aux enfants qui, une fois orphelins, s'en serviront pour mieux savoir d'où ils viennent et mieux comprendre où ils vont.

Rencontrée hier lors de son passage à Montréal, Christa Graf avoue qu'il n'a pas été facile de mener ce film à terme. Trois ans et trois voyages en Ouganda ont été nécessaires pour arriver au résultat final.

«Au départ, les femmes dont je parle voulaient que je les laisse tranquilles. Elles ne voulaient pas être encore vues comme celles qui sont malades, comme celles qui meurent. Mais quand je leur ai dit que je voulais montrer le côté fort de cette démarche, elles m'ont laissée filmer.»

Pour la réalisatrice, il était impératif de montrer cette Afrique qui vit. À travers le concept des journaux de famille (concept d'autant plus original qu'il fait primer l'écrit sur la tradition orale), c'est toute l'idée de survivance et de volonté qu'elle voulait partager dans son film.

«Le malheur fait partie de leur quotidien, explique-t-elle. Mais ces femmes sont capables de ne pas nier les choses. Elles sont malades, elles sont tristes, dépressives. Plusieurs se suicident. Mais la plupart sont capables de gérer ce destin dramatique. Elles sont capables de vaincre la dépression pour revenir à la vie et parfois même retrouver l'espoir. Le projet des memory books fait partie de ce processus.»

Soixantième documentaire de Christa Graf, Memory Books est aussi son premier long métrage. Ce film lent, touchant, bien filmé et techniquement maîtrisé prend tout son temps, donnant un visage profondément humain à une maladie dont les ravages, vus d'ici, nous semblent de plus en plus abstraits.

Selon la réalisatrice, la situation semble toutefois s'améliorer, du moins en Ouganda. Plusieurs campagnes de sensibilisation, menées à l'initiative du président Yoweri Museveni, ont permis de freiner la progression de la maladie. «Je pense qu'à l'heure actuelle, l'Ouganda est le pays le mieux informé d'Afrique sur ce sujet, conclut la réalisatrice. Dans les dernières années, le taux d'infection est passé de 40 % à 20 %. Aujourd'hui, certains parlent même de 7 %. Mais ça, à mon avis, ce sont des chiffres qu'il faudrait vérifier...»

___________________________________________________________
Memory Books, ce soir au Cinéma ONF, 18 h.