Nous sommes dans la ville de Nyala, chef lieu du Sud Darfour. Le mercure oscille toujours autour de 45 degrés Celsius.

Nous nous sommes habitués à cette température infernale, mais aussi au rythme et aux règles de la vie au Darfour. Ici, tout est sujet au changement. Il faut toujours être prêt à envisager un plan B et même un plan C.

Nous tournons aujourd’hui avec Yussef, un ancien enfant soldat de 17 ans qui a quitté un des groupes armés du Darfour - je ne peux mentionner le nom du groupe pour la sécurité de l’enfant - depuis un peu moins de trois mois.

Nous avons rencontré Yussef deux fois depuis notre arrivée à Nyala. Il habite au coeur d’une des villes au sud du Darfour et fréquente, depuis sa libération du mouvement, une université locale où il étudie la mécanique. Pour l’entrevue d’aujourd’hui, il nous accueille chez lui.

Accoudé fièrement sur son vélo tout neuf -cadeau de la commission du DDR (programme de désarmement, démobilisation et réhabilitation développé en partenariat avec l’UNICEF)- Yussef nous attend à quelques coins de rue de chez lui, question de nous guider dans les dédales de son quartier. Il porte de beaux souliers blancs et pointus, à l’italienne. Il se tient droit comme un piquet.

Après les conversations d’usage avec ses cousins, sa grand-mère et ses soeurs et frères, il nous ouvre la porte de sa chambre. Le mur du fond est tapissé d’images de foot et d’affiches de films de Bollywood - le Hollywood des Indiens.

Assis sur son lit qui accapare à lui seul environ la moitié de la superficie de la petite chambre, il raconte la guerre qui a détruit sa maison et son village en novembre 2003. Cette guerre qui s’est envolée avec une partie de son enfance. 

C’est après avoir perdu la trace de sa famille que Yussef décide de joindre un des groupes armés impliqués dans le conflit du Darfour. Il y a plusieurs factions de rebelles au Soudan. Certaines d’entre elles ont signé, en 2006, l’entente de paix.

Assise tout près de lui, je l’écoute raconter la difficulté de vivre avec la culpabilité et les souvenirs des années passées au sein du groupe armé. Il parle des différents combats dans lesquels il a été impliqué, des gens en compagnie desquels il s’est battu.  Mais surtout, il nous dit espérer qu’un jour, ce chapitre de sa vie sera bien loin derrière lui.

Yussef veut des enfants.  Deux petits garçons et quatre petites filles. Il répète avec conviction qu’il fera tout pour leur éviter de suivre les traces du chemin qu’il a quitté.

Yussef termine l’entrevue en me disant que son pays n’est plus ce qu’il était. Que même s’il lui vient parfois l’envie de retourner habiter dans son village, il sait que comme beaucoup des lieux qui ont été ou seront ravagés par la guerre, son village a été déserté et n’est plus ce qu’il était.

Nous serons une dernière fois avec lui samedi après-midi, avant de nous envoler à nouveau vers Khartoum, dernière étape avant la fin de ce projet au Darfour.

À bientôt !

(Le nom de l’enfant a dû être modifié pour sa sécurité)

Pour plus d’information, visitez le site de l’UNICEF à : www.unicef.ca