Léa Pool ne devait pas tourner Maman est chez le coiffeur. La vie réserve toutefois de belles surprises, parfois. Ses projets cinématographiques avec Nancy Huston et d'adaptation d'un roman de Timothy Findley tardant à se concrétiser et Louis Bélanger s'étant désisté pour tourner The Timekeeper, elle n'a pas hésité longtemps quand on lui a proposé de prendre en main la réalisation du film.

Le scénario d'Isabelle Hébert relate comment une mère de famille quitte, dans les années 1960, son mari et ses trois enfants après avoir surpris une conversation entre lui et un autre homme qui la bouleverse totalement. Cette histoire d'abandon, dont on ne sait s'il sera temporaire ou non, avait déjà touché une corde sensible chez Léa Pool, qui avait lu le texte deux fois en cours de processus de création, en tant que consultante, avant qu'on lui offre d'en assumer le tournage.

«De l'âge de six semaines jusqu'à mes trois ans et demi, j'ai été abandonnée à l'orphelinat par ma mère. J'ai ensuite passé près de 40 ans de ma vie à tenter de comprendre son geste et à lui demander pourquoi, raconte la réalisatrice. Avec le temps, j'ai compris qu'une mère demeure d'abord et avant tout une femme et que Simone, dans le film, a probablement pris la meilleure décision pour tout le monde en partant... Parce qu'il n'est pas nécessairement mieux, pour des enfants, d'assister à des chicanes, d'entendre ses parents crier ou de les voir pleurer. En fait, elle a vu juste pour les deux plus vieux, mais elle s'est peut-être trompée en ce qui a trait à Benoît, le plus jeune...»

Benoît (Hugo St-Onge-Paquin) entretient une relation fusionnelle avec sa mère et, à la suite du départ de celle-ci, se replie dangereusement sur lui-même. «Si le personnage d'Élise, qu'incarne Marianne Fortier, s'avère le pivot de la famille, c'est à travers Benoît qu'on suit la courbe dramatique des événements. L'émotion profonde de cet abandon, on la vit à travers lui», fait valoir Léa Pool.

À hauteur d'enfant

Loin d'apporter des réponses aux problèmes de couples et aux réalités d'adultes, Maman est chez le coiffeur reste à hauteur d'enfant. «Tout part du point de vue de ce que les enfants comprennent. C'est pour ça qu'au montage, nous avons travaillé à doser les rires et les larmes, les moments comiques et les moments plus dramatiques. C'est là l'essence pure de l'enfance qu'on voulait donner au film», explique la cinéaste.

Habituée à diriger des jeunes comédiens (Karine Vanasse dans Emporte-moi demeure un exemple éloquent), Léa Pool était toutefois consciente de leur faire vivre des moments particulièrement intenses. Ç'a entre autres été le cas pour la séquence tournée dans la grange, où sept des huit jeunes comédiens ont vécu ensemble leur premier baiser... devant la caméra. Seul Élie Dupuis, qui tient le rôle de Coco, le frère d'Élise et de Benoît, avait un peu d'expérience en la matière.

«C'est sûr que ça peut paraître dommage qu'ils vivent un tel moment dans un environnement si peu naturel et sur commande, mais, en même temps, ça donne une touche de vérité et de candeur à la scène. Et puis, nous avons pris le temps d'en parler avec chacun, avant le tournage de la scène. Il a fallu rassurer les parents, aussi!» se souvient la réalisatrice, qui est maintenant en attente de financement pour l'adaptation d'Une belle mort, basé sur le roman de Gil Courtemanche, et qui mettrait en vedette Jean Lapointe, Hélène Loiselle et Yves Jacques.