Indiana Jones réussit, dès les premières minutes du film Les aventuriers de l'arche perdue, à s'approprier l'objet qu'il convoitait... tout en démolissant pratiquement tout le reste du temple d'Amérique du Sud dans lequel il se trouvait.

Même s'il prêche science, recherche et patience à ses étudiants, le plus célèbre archéologue du monde est fréquemment un pilleur de tombes avare qui ne se préoccupe pas de toute la destruction qu'il laisse derrière lui.

Et si les véritables archéologues le trouvent sympathique et aiment bien ses films, ils ne voudraient pas nécessairement travailler avec lui.

Le manque de délicatesse et de subtilité d'Indiana Jones sera de nouveau étalée au grand jour le 22 mai, lorsqu'arrivera en salle le dernier chapitre de ses aventures, Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal - pendant lequel il démolira certainement de nouveaux sites historiques et de nouveaux objets irremplaçables.

Les experts savent que les films sont purement fictifs et qu'ils visent à présenter l'archéologie comme une aventure rocambolesque. Ils grincent quand même des dents quand ils voient les techniques utilisées par Indiana Jones.

«Nous avons des codes d'éthique en archéologie, et je ne pense pas que nous voudrions de lui», a dit Mark Rose, le responsable du site Web du Archeological Institute of America.

Depuis le début de sa carrière il y a 27 ans, Indiana Jones a été à la fois une bénédiction et une malédiction pour le monde poussiéreux de l'archéologie, même si sa version de cette profession est carrément hollywoodienne.

Dans Indiana Jones et la dernière croisade, en 1989, le professeur Henry Jones fils explique à ses étudiants que 70 pour cent de l'archéologie est faite en bibliothèque. Il leur conseille ensuite «d'oublier toutes vos idées de cités perdues, de voyages exotiques et de fouilles partout dans le monde. Nous n'avons pas de cartes pour trouver des trésors enfouis, et le X n'indique jamais, jamais le bon endroit».

Quelques minutes plus tard, vêtu de son chapeau légendaire et de sa veste de cuir, son alter ego Indiana Jones défonce des cryptes, tue des dizaines de Nazis et profane un tombeau en utilisant un ossement humain comme torche. Et, dans une scène, le X indique vraiment le bon endroit.

La réalité du travail archéologique sur le terrain n'a rien à voir avec le héros solitaire qui, pistolet dans une main et fouet dans l'autre, s'approprie des trésors incomparables. Il s'agit plutôt de plusieurs chercheurs et étudiants qui, ensemble, passent un site au peigne fin à la recherche d'objets aussi ordinaires que des fragements de poterie.

«Il y a une portion d'aventure, puisqu'on doit fréquemment se rendre dans un pays lointain pour en examiner le passé, a dit Bryant Wood, un archéologue du groupe Associates for Bible Research. Mais ce n'est pas une aventure pendant laquelle on prend un fouet pour chasser les méchants et chercher des trésors.»

Les principaux ennemis des archéologues sont plutôt la dysenterie, une Land Rover défectueuse ou, au pire, les morsures de serpent.

Indiana Jones aura quand même réussi à intéresser toute une génération à l'archéologie. Le professeur Paul Zimansky, qui enseigne le sujet à l'Université de New York à Stony Brook, a constaté une recrudescence du nombre d'étudiants au début des années 1990.

«Si on leur demandait pourquoi ils voulaient devenir archéologues, ils commençaient toujours avec Indiana Jones. Ça a certainement converti plusieurs personnes. Leur intérêt initial pour l'archéologie a été suscité par Indiana Jones», a-t-il dit.

D'autres experts y mettent toutefois un bémol. Jaime Awe, qui dirige l'Institut de l'archéologie du Bélize, utilise les films pour enseigner à ses étudiants ce qu'il ne faut pas faire.

Et Bob Murowchick, de l'Université de Boston, s'inquiète de l'importance accordée aux tombeaux perdus, qui donne l'impression que les objets rares appartiennent à celui qui les trouve en premier.

«C'est un aspect qui nous inquiète vraiment, parce que le pillage archéologique est un problème grave, a-t-il dit. (Ces films) glorifient le fait de défoncer un tombeau pour s'approprier un ceci de cristal ou un cela d'or, ce qui renforce la notion que nous devrions tous saisir ces objets précieux pendant que c'est encore possible.»