Le 61e Festival de Cannes s'ouvre aujourd'hui avec la présentation du film Blindness, de Fernando Meirelles, avec en vedette Julianne Moore, Mark Ruffalo, Gael Garcia Bernal, Danny Glover et Alicia Braga. Notre envoyé spécial s'est entretenu avec le producteur canadien Niv Fichman, qui a porté le projet depuis ses tout débuts.

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Hier, les abords du Palais des Festivals avaient encore les allures d'un immense chantier. À Cannes, où la population triple presque pendant le festival (200 000 habitants plutôt que 70 000), on en était en effet aux derniers préparatifs avant d'accueillir tout le gratin de la planète cinéma. À 24 heures de l'arrivée des premières stars sur le tapis rouge, on pouvait douter que tout serait prêt à temps. Et pourtant, année après année, le miracle a lieu.

À 19h15 ce soir, le 61e Festival de Cannes sera lancé avec la présentation de Blindness, le nouveau film, très attendu, de Fernando Meirelles (City of God, The Constant Gardener).

Cette adaptation de L'aveuglement, un roman écrit par l'auteur portugais José Saramago, a beau être financée en majorité par le Japon et le Brésil, bien des Canadiens présents à Cannes revendiquent pourtant un authentique sentiment d'appartenance.

L'idée de cette adaptation est en effet née dans une maison de production torontoise, Rhombus Media, laquelle compte en outre dans son catalogue plusieurs titres de François Girard.

«C'est l'aboutissement d'un travail de plusieurs années, a déclaré à La Presse le producteur Niv Fichman. Don McKellar (Last Night, Child Star), avec qui j'ai souvent travaillé, m'avait parlé de son désir d'élaborer une adaptation dès que le roman a été publié en anglais. Je partageais son enthousiasme, mais j'étais quand même un peu sceptique. J'étais persuadé que les droits allaient être très difficiles à obtenir.»

En effet, José Saramago, lauréat du prix Nobel de littérature en 1998, ne voulait céder les droits d'adaptation à personne. Pas même à un inconnu répondant au nom de Fernando Meirelles, un jeune cinéaste brésilien qui, il y a 10 ans, aurait voulu faire de ce roman son premier film...

«Mais nous avons insisté auprès de lui de façon typiquement canadienne: sans agressivité et avec politesse! explique Fichman en riant. Il faut croire que cette façon de procéder fut la bonne, car nous avons finalement reçu son appel. Le romancier nous invitait, Don et moi, à aller le rencontrer chez lui, à Lanzarote, aux îles Canaries. Je crois qu'il a été séduit par notre approche, car nous pouvions lui offrir exactement ce qu'il cherchait: un film tourné en anglais qui pourrait bénéficier d'une distribution partout dans le monde, sans pour autant être de facture américaine. Je crois que ce qu'il craignait par-dessus tout, c'est qu'Hollywood détourne son histoire pour en faire un film de zombies!» L'intrigue du roman, rappelons-le, tourne autour d'une mystérieuse contagion qui rend les gens aveugles.

Une fois l'accord de l'auteur obtenu, McKellar s'est attelé à la tâche d'écrire le scénario. Le processus a duré six ans. Il fut aussi question au départ de confier la réalisation du film à McKellar. Mais cette idée n'a pas été envisagée très longtemps.

«Le spectre de ce film est tellement large qu'il était impensable de le réaliser dans un contexte canadien traditionnel, explique Fichman. Quand nous nous sommes mis à penser à des cinéastes, le nom de Fernando nous est tout de suite venu à l'esprit. Comme une sorte de fantasme ultime, en fait. C'est là que nous avons appris qu'il avait lui-même tenté d'acquérir les droits du roman à l'époque où le livre n'était encore publié qu'en portugais! Heureusement pour nous, Fernando a adoré le scénario de Don. Ils ont ensuite travaillé en très étroite collaboration.»

Tout ce beau monde foulera bien entendu le tapis rouge ce soir, en compagnie des vedettes du film, Julianne Moore, Mark Ruffalo, Gael Garcia Bernal, Danny Glover, Alicia Braga et quelques autres. Fichman se réjouit aussi du fait que le film soit aussi inscrit dans la compétition officielle.

«De cette façon, il y a une notion de valeur ajoutée au film, observe le producteur. Ce qui n'est pas toujours le cas avec les productions présentées à la soirée d'ouverture. Quand on nous a proposé la compétition, nous avons accepté tout de suite, car cette sélection indique que l'intérêt du film va peut-être au-delà des personnalités qu'il met en vedette. C'est comme une caution artistique, en somme.»

Rappelons que 22 films se disputeront à compter de ce soir la très convoitée Palme d'or du Festival de Cannes. Le jury est présidé par Sean Penn. La cérémonie d'ouverture sera par ailleurs animée par le comédien-humoriste Édouard Baer.