Le 61e Festival de Cannes s'ouvrait mercredi soir avec Blindness, glaçant thriller et parabole philosophique du Brésilien Fernando Meirelles, qui montre une humanité livrée à ses plus bas instincts et plongée dans le chaos par une étrange épidémie de cécité.

Six ans après avoir dévoilé hors compétition La cité de Dieu, brillante fiction survoltée sur la guerre des gangs à Rio, Meirelles revient entouré de ses comédiens Julianne Moore, Danny Glover et Gael Garcia Bernal, pour la montée des marches rouges à partir de 19 h 15 locales, avant la projection de gala.

Son dernier film, attendu dans les salles en France le 30 juillet, est tiré du livre L'aveuglement du Portugais José Saramago, Prix Nobel de littérature 1998. Comme l'acteur Mark Ruffalo, retenu par un tournage, l'écrivain âgé de 86 ans qui était attendu sur la Croisette, sera absent, pour raisons de santé.

Premier des vingt-deux films en lice pour la Palme d'or à être dévoilé, Blindness relate comment une mystérieuse épidémie surnommée le «mal blanc» se répand à une vitesse foudroyante dans une mégalopole non identifiée.

Mis en quarantaine, traités en pestiférés et bientôt en délinquants incarcérés par des autorités rapidement débordées par une crise sanitaire hors norme, les aveugles sont bientôt livrés à la loi du plus fort.

Seule une femme - incarnée par la rousse Julianne Moore teinte en blonde pour l'occasion - épargnée par l'épidémie, conserve son sens moral dans un univers qui s'effondre: les liens sociaux se défont, la lutte pour la nourriture se généralise, les femmes deviennent une marchandise.

Pour Fernando Meirelles, la force de l'histoire imaginée par Saramago vient des différentes lectures, philosophique, politique, morale, que le spectateur aura de cette parabole sur la «fragilité de la civilisation».

«C'est comme si la civilisation reposait sur une fine couche de glace qui pouvait s'effondrer à tout moment», a-t-il affirmé à la presse internationale à qui le film a été montré le matin.

Le cinéaste a insufflé une réflexion morale dans ce film d'action à la tension constante où il voit «une métaphore de tous les maux du XXe siècle». Le scénariste Don McKellar a accentué le tragique du récit de Saramago en lui donnant des échos d'actualité - certaines scènes, visuellement saisissantes, rappellent les comportements violents générés par des crises récentes - ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans ou épidémie de SRAS.

Dans un registre plus léger, les gentils pandas du film d'animation Kung Fu Panda, projeté jeudi hors compétition, ont déjà envahi la Croisette ensoleillée, où une cinquantaine de figurants déguisés en pandas géants ont pris leur petit-déjeuner.

Mercredi soir, les flashes crépiteront pour l'acteur-réalisateur américain Sean Penn, qui préside le jury de cette 61e édition, composé des acteurs Natalie Portman, Sergio Castellitto, Alexandra Maria Lara et Jeanne Balibar, ainsi que des cinéastes Alfonso Cuaron, Apichatpong Weerasethakul, Rachid Bouchareb et Marjane Satrapi.

Dès jeudi, le festival prendra son rythme de croisière en dévoilant deux autres films en compétition officielle, Waltz with Bashir de l'Israélien Ari Folman et Leonera de l'Argentin Pablo Trapero, avant la projection le lendemain du premier des trois films français en compétition: Un conte de Noël d'Arnaud Desplechin, avec Mathieu Amalric et Catherine Deneuve.