Entre glamour, paillettes et solennité, la 61e édition du Festival de Cannes s'est ouverte mercredi soir sur un ton grave et politique avec la projection du premier film en compétition, Blindness, un glaçant thriller sur une humanité livrée à ses plus bas instincts.

Cette édition a été ouverte par le cinéaste français Claude Lanzmann, 82 ans, réalisateur de Shoah, film de référence sur l'Holocauste.

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«De même qu'il n'y a qu'une seule humanité, il n'y a qu'un seul cinéma», a déclaré Claude Lanzmann sur un ton solennel, en estimant que la force de Cannes était de faire le lien entre «les extrêmes du spectre», du Jackie Brown de Quentin Tarantino à Shoah.
  
Auparavant, le président du jury, l'Américain Sean Penn, a lancé un «appel aux distributeurs à soutenir les films qui ne recevront pas de prix».
  
Penn, l'une des figures du Hollywood engagé sur le front politique mondial, a rappelé que Cannes avait toujours eu pour vocation de «soutenir et encourager» les films, citant Easy Rider (1969) de Dennis Hopper, présent dans la salle.
  
Penn est un enfant de la contre-culture américaine des «sixties», dont le film de Hopper est un symbole. La soirée d'ouverture a été marquée par la présence d'une autre icône de cette période, le chanteur Richie Havens, qui a interprété Freedom sur scène, comme au festival hippie de Woodstock en 1969, et a enflammé la salle.
  
La cérémonie avait été précédée par la montée des marches avec notamment l'équipe de Blindness, dont son réalisateur brésilien Fernando Meirelles, les Américains Julianne Moore et Danny Glover et le Mexicain Gael Garcia Bernal.
  
Tiré du livre L'Aveuglement du Prix Nobel portugais José Saramago, Blindness relate une mystérieuse épidémie de cécité qui se répand à une vitesse foudroyante dans une mégalopole non identifiée.
  
Seule une femme (Julianne Moore) épargnée par l'épidémie conserve son sens moral dans un univers qui s'effondre : les liens sociaux se défont, la lutte pour la nourriture se généralise, les femmes deviennent une marchandise.
  
En milieu de journée, au cours de sa conférence de presse, Meirelles a souligné que la force de l'histoire venait des différentes lectures, philosophique, politique, morale, que le spectateur aura de cette parabole sur la «fragilité de la civilisation».
  
Glover, acteur engagé, a fait un parallèle entre la cécité dans le film et l'indifférence du monde aux tragédies qui le touchent, comme les «émeutes de la faim» se déroulant dans différents pays : «Dans ce monde, on ne voit pas les autres. Le film traite de notre capacité à voir ce qui se passe autour de nous».
 
 Un sentiment partagé par le président du jury du festival. Sean Penn a révélé que le «tremblement de terre (en Chine) allait influencer (son) jugement sur presque tous les films», en réponse à une journaliste chinoise qui lui demandait si le séisme meurtrier de lundi en Chine modifierait son regard.
  
«De même pour ce qui se passe en Birmanie. Ces choses qui arrivent sont une partie des émotions et de la vie que nous partageons tous, cela nous rend plus âpres», a-t-il poursuivi pendant la conférence de presse du jury.
  
Dès jeudi, le festival prendra son rythme de croisière en dévoilant deux autres films de la compétition, Waltz with Bashir de l'Israélien Ari Folman et Leonera de l'Argentin Pablo Trapero, avant la projection le lendemain du premier des trois films français en lice pour la Palme, Un conte de Noël d'Arnaud Desplechin avec Mathieu Amalric et Catherine Deneuve.