Les jeunes mâles asiatiques sont en colère? Tetsuro Shigematsu a décidé d'en faire une comédie. Discussion autour du racisme, de la frustration et de la difficulté de séduire les femmes.

«Tous les hommes asiatiques sont en colère. Qu'ils en soient conscients ou non.»

Joint à Los Angeles, où il poursuit sa carrière de cinéaste, l'ex-Montréalais Tetsuro Shigematsu résume ainsi l'essence du long métrage Yellow Fellas, qu'il présentera ce week-end dans le cadre du Festival Accès-Asie.

Cette comédie d'action aigre-douce, tournée à Montréal avec un budget de 5000 $ (!!!) n'a rien d'un blockbuster hollywoodien. Mais elle pourrait bien être la réponse asiatique au Fight Club de David Fincher.

Tanné d'être la cible des skinheads, Howie Hiroshima (joué par Tetsuro lui-même) décide de fonder une milice de jeunes Asiatiques frustrés. Ce groupe de vengeurs aux yeux bridés s'avère d'abord aussi peu efficace qu'incompétent. Mais se transforme bientôt en machine de guerre avec de grands idéaux révolutionnaires. L'histoire, on s'en doute, tournera mal...

Malaise...

Malgré son côté léger et humoristique, Yellow Fellas traduit un profond malaise. Car selon Tetsuro Shigematsu, le mâle asiatique nord-américain est en effet très contrarié.

«Je ne parlerais pas de racisme au sens strict, explique le réalisateur. Mais nous sommes certainement victimes de stéréotypes tenaces. Vous savez, nous sommes souvent vus comme une minorité modèle. Comme le bon fils de la grande famille multiculturelle. Nous travaillons fort, nous avons de bonnes notes à l'école, nous respectons la loi. Et cela, croyez-moi, est très difficile à supporter.

«On se sent obligés de répondre aux attentes. On a une pression énorme pour devenir comptables ou médecins. Cela limite souvent nos choix de vie. Mais aussi nos choix de partenaires sexuels! Je veux dire les filles ne sont pas attirées par les hommes trop sages et trop parfaits. Regardez les Noirs. Ils sont harcelés par la police et souffrent encore de racisme. En revanche, tout le monde pense que ce sont des étalons! Ils ont une aura de danger et d'imprévisibilité qui attire les femmes. Les gars asiatiques feraient n'importe quoi pour avoir ça!»

Plus d'acteurs d'origine asiatique

Ces clichés subsistent pour un tas de raisons, ajoute le réalisateur. Qui souligne notamment l'absence déplorable de modèles asiatiques «séduisants» dans l'industrie du cinéma nord-américain.

De fait, les rares vedettes orientales du grand écran sont d'authentiques Chinois de Hong-Kong (Jet Li, Jackie Chan, Chow Yun Fat) et non des Asiatiques américains. Quant à la télé, elle se contente de glisser ici et là des personnages aux yeux bridés qui ont soit des rôles de seconds violons, soit des rôles quasiment muets (le Coréen de Lost).

«On trouve environ 10 % d'acteurs noirs à Hollywood, mais à peine le dixième de 1 % d'acteurs asiatiques, estime Tetsuro Shigematsu. Qui pouvons-nous imiter, s'il n'y a personne d'intéressant à imiter?»

Timide progrès

La situation semble toutefois s'améliorer, estime Shigematsu. Depuis quelques années, le nombre d'acteurs américains asiatiques aurait nettement augmenté. Mais selon le cinéaste, cette croissance ne sera vraiment significative que si l'on développe aussi des scénaristes d'origine orientale. «Ce jour-là, nous serons vraiment sous les projecteurs.»

Tetsuro prêchera peut-être par l'exemple. Après avoir vécu à Vancouver, Toronto, Halifax et Montréal, ce Japonais pancanadien tente aujourd'hui de se frayer un chemin dans l'industrie du film hollywoodien. Une suite logique pour cet artiste aux multiples casquettes, qui a déjà été animateur de radio à la CBC et scripteur à l'émission This Hour Has 22 minutes.

«Oui, je suis un vendu. Et j'espère que ça me permettra de faire un paquet d'argent. Mais vous savez quoi: même s'ils m'offrent une somme ridicule, je vais la prendre quand même!»

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Yellow Fellas, de Tetsuro Shigematsu sera présenté ce dimanche, 18 mai à 15 h, à l'ONF, 1564, rue Saint-Denis, dans le cadre du Festival Accès-Asie (www.accesasie.com). Une discussion suivra.