La guerre et la prison étaient au menu du 61e Festival de Cannes jeudi avec Valse avec Bachir et Leonera, deux films bouleversants qui, après la parabole de Blindness sur l'aveuglement du monde moderne, confirment le ton grave du début de la compétition.

Très original dans sa forme, Valse avec Bachir de l'Israélien Ari Folman, en lice pour la première fois pour la Palme d'Or, est un documentaire d'animation autobiographique sur la première guerre du Liban où le réalisateur a combattu au début des années 1980.

Il devrait susciter le débat, alors que l'État d'Israël fête ses soixante ans, mais aussi séduire un jury dont le président, l'acteur réalisateur américain Sean Penn a souligné, dès l'ouverture du festival, que la Palme d'Or reviendrait à un auteur «conscient du monde qui l'entoure».

Hanté par le souvenir enfoui des massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila à Beyrouth perpétrés par les phalanges chrétiennes sous les yeux des soldats israéliens, Valse avec Bachir s'ouvre sur un cauchemar: un ami de l'auteur rêve chaque nuit, qu'il est poursuivi par les 26 chiens qu'il a tués à l'entrée des villages du Liban, lorsqu'il était jeune soldat.

Le récit de ce cauchemar amène alors Ari à partir en quête d'un passé dont il ne se rappelle rien.

Thérapie personnelle, réflexion sur le travail de la mémoire, «dynamique et vivante, qui remplit les trous», Valse avec Bachir est avant tout une dénonciation de la guerre.

Son efficacité réside précisément dans le recours à l'animation qui permet de mettre en images un conflit qui en est dépourvu, avec plus de liberté qu'un documentaire classique, et sans le glamour ni la grandiloquence des films de guerre hollywoodiens.

Il s'articule autour de témoignages d'anciens compagnons et d'experts, tournés d'abord en vidéo puis entièrement redessinés dans un style de bande dessinée. Loin d'y perdre leur force, les personnages n'ont pas le côté artificiel des dessins animés en 3D et, par un jeu savant de couleurs et de fluidité des mouvements de caméra, gagnent même en authenticité. La bande-son, omniprésente, de Max Richter plonge intensément le spectateur dans le quotidien des jeunes soldats.

De l'attaque au lance-roquettes d'un convoi de Tsahal par un enfant dans un verger du Liban à l'attente de soldats israéliens sur une plage, Ari Folman montre la guerre sous toutes ses facettes, sanglantes et absurdes, pour aboutir au massacre des camps de Sabra et Chatila, perpétré de nuit à la lumière des fusées éclairantes tirées par les soldats israéliens.

Là, face à la douleur d'enfants, de femmes et de vieillards palestiniens comparés aux survivants du ghetto de Varsovie - et à l'indifférence de l'ex-premier ministre israélien Ariel Sharon, alors ministre de la Défense -, l'auteur dénoue enfin le traumatisme enfoui dans sa mémoire, le film s'achevant symboliquement sur les rares images d'archives disponibles.

L'autre oeuvre projetée jeudi en compétition, Leonera, est le cinquième film de Pablo Trapero. Ce beau portrait de femme, dépeint avec finesse le dilemme moral posé par la présence de jeunes enfants dans les prisons.

Avec La femme sans tête de Lucrecia Martel, c'est l'un des deux tickets argentins pour la Palme d'or.

Côté strass et paillettes, l'actrice américaine Angelina Jolie montait les marches jeudi pour la projection, hors compétition, de Kung Fu Panda, film d'animation des Américains Mark Osborne et John Stevenson auquel elle prête sa voix aux côtés de Dustin Hoffman, Jack Black, Jacky Chan et Lucy Liu.