Un monde fou s'était donné rendez-vous hier pour l'événement de la journée: la conférence de presse de Woody Allen. Les journalistes ont en effet eu à jouer du coude et de la pastille pour avoir accès à la salle où s'entassaient déjà quelques centaines de scribes. Et environ trois ou quatre millions de photographes pour croquer des clichés de Penélope Cruz et Rebecca Hall.

Non seulement chacune des apparitions publiques de Woody Allen constitue un événement, mais il s'est aussi amené ici avec Vicky Cristina Barcelona, un film très séduisant (présenté hors concours) dans lequel le réalisateur américain retrouve sa très belle forme après les décevants Scoop et Cassandra's Dream (toujours inédit au Québec - le DVD sort très bientôt!).

Accompagné des deux actrices précitées (Scarlett Johansson et Javier Bardem n'ont pu faire le voyage à Cannes), Woody Allen a notamment expliqué pourquoi il avait choisi de tourner ce film à Barcelone.

«C'est très simple, a-t-il dit. Parce qu'on m'a appelé! On m'a téléphoné en me demandant si je pouvais être intéressé à aller tourner un film dans cette ville et j'ai répondu: certainement! J'adore l'Espagne, j'adore Barcelone. Dès que j'ai reçu cette invitation, je me suis tout simplement mis à écrire une histoire qui se déroulerait dans cette ville. Rome, Venise ou Stockholm aurait appelé que j'aurais aussi accepté!»

La capitale catalane, filmée avec amour, constitue ainsi l'un des personnages clés du film. Misant à fond sur le caractère sensuel de la ville, Allen propose une histoire au romantisme exacerbé dont les héroïnes sont deux touristes américaines en visite à Barcelone pour la saison estivale.

Les deux jeunes femmes sont prises dans un tourbillon sentimental le jour où elles font la rencontre de Juan Antonio (Javier Bardem, excellent), un bel artiste qui, d'entrée de jeu, drague sans aucun détour Vicky (Rebecca Hall) et Cristina (Scarlett Johansson). L'une succombe; l'autre aussi. La première doit pourtant convoler en justes noces très bientôt; l'autre est libre et fière de l'être. Vicky renonce ainsi à l'aventure, tandis que Cristina se laisse prendre au jeu et plonge tête première dans cette liaison. Le jeu se complique le jour où l'ancienne amoureuse de Juan Antonio, Maria Elena (Penélope Cruz), revient dans le décor au lendemain d'une dépression...

«J'ai beaucoup ri à la première lecture du scénario, a commenté Penélope Cruz, qui trouve en Maria Elena l'un de ses plus beaux rôles et assurément son meilleur dans un film américain. Quand je me suis mise à jouer Maria Elena, je m'attardais toutefois plus à l'aspect dramatique du personnage. Cette femme étant d'un tempérament de feu, j'avais peur de trop en faire. Or, j'ai retrouvé exactement le même sentiment qu'à la lecture quand j'ai vu le film. Je crois que c'est ça, la marque d'un génie. J'étais tellement heureuse que Woody me pousse toujours à la limite. Parce que cela donne exactement l'effet voulu.»

«Oui, le film est drôle, mais il n'est pas que ça, ajoute l'auteur cinéaste. Je voulais d'ailleurs mettre beaucoup de romantisme dans cette histoire afin que la partie plus dramatique puisse être aussi assimilée par le spectateur. Je dirais même que ce film se termine une note plus mélancolique, plus triste.»

Un ménage à trois

Penélope Cruz, qui n'avait pas donné la réplique à Javier Bardem depuis le fameux Jamon, Jamon de Bigas Luna, offre une performance éblouissante dans la peau d'une artiste caractérielle qui s'est toujours sentie flouée, tant dans ses amours que dans sa carrière de peintre. L'un des gags récurrents du film consiste d'ailleurs en une insistance de tous les instants de la part de Juan Antonio pour que Maria Elena et lui se parlent en anglais dès qu'ils sont en présence de Cristina, une Américaine qui, évidemment, ne daigne pas apprendre un traître mot d'espagnol...

«C'était très amusant, car Woody nous laissait improviser, Javier et moi, en anglais ou en espagnol, explique l'actrice madrilène. Il ne nous donnait pas de directives non plus sur les moments où nous devions passer d'une langue à l'autre. Cela dit, j'étais vraiment trop craintive de changer quoi que ce soit d'une réplique écrite en anglais. Une réplique écrite par Woody Allen, cela ne se change tout simplement pas!»

Le film est par ailleurs marqué par un épisode de «ménage à trois» qui a déjà alimenté bien des fantasmes dans la blogosphère. Quand un journaliste fait remarquer à Woody Allen qu'il a recréé le fantasme masculin hétérosexuel par excellence, le cinéaste explique que tout cela relève justement de la pure fantaisie.

«C'est déjà assez difficile d'être en relation avec une personne, c'est encore plus compliqué avec deux! a lancé l'auteur cinéaste. Dans la vraie vie, la plupart des gens ne pourraient pas survivre très longtemps dans une telle situation. C'est beaucoup trop exigeant sur le plan émotif. Mais là, nous sommes au cinéma, dans un milieu d'artistes. À Barcelone.»

Vicky Cristina Barcelona devrait en principe prendre l'affiche chez nous le 5 septembre.

NOTRE CRITIQUE

Vicky Cristina Barcelona ***1/2

WOODY EN OUZBÉKISTAN? PAS DEMAIN LA VEILLE...

Quand une journaliste de l'Ouzbékistan a invité Woody Allen à venir tourner en Asie centrale, «un endroit où les hommes ont plusieurs femmes», l'auteur cinéaste américain a relaté un très mauvais souvenir qu'il garde de l'époque où la Russie voisine faisait partie de l'Union soviétique. «Je suis un voyageur très angoissé. J'ai mis les pieds une seule fois en Russie alors que je devais faire une tournée. Or, deux heures à peine après mon arrivée, j'ai supplié l'agent de voyages pour qu'il me trouve un billet sur-le-champ, en direction de n'importe où, du moment que la destination se situe ailleurs! Je sais que les choses ont bien changé depuis, mais je crains qu'il me faille beaucoup de temps avant que je ne retourne en Russie...»