Au pays des colons, troisième long métrage de Denys Desjardins, marche dans les pas des oeuvres de Pierre Perrault et de Bernard Gosselin tant par la forme que par le contenu.

À travers la vie d'une famille d'agriculteurs de Rochebaucourt, de grand-père en petite-fille, le documentaire nous fait comprendre pourquoi il serait dramatique de «fermer» les régions du Québec.

Q : Pourquoi avoir repris le chemin de Pierre Perrault vers l'Abitibi et l'un de ses personnages les plus truculents, Hauris Lalancette?

R : C'est une vieille histoire. Ça fait 20 ans que je suis les traces de notre grand documentariste, depuis que j'ai vu Un pays sans bon sens! à l'université, en fait. J'ai décidé que c'est ce que je voulais faire, du cinéma, à ce moment-là. On y trouve une notion fondamentale pour moi, celle du pays.

Q : Un pays qui reste encore à faire, un pays incertain, entre rêve et réalité. La colonisation de l'Abitibi semble n'avoir fait que des victimes finalement, comme Hauris Lalancette?

R : Il s'est retrouvé tout seul après un rêve collectif. Ce qui le sauve, à mon avis, c'est qu'il s'agit d'un rêve démesuré qu'il a quand même réussi à transmettre à sa petite-fille, Laurie, encore plus qu'à son fils, Dany, qui doute davantage de la possibilité d'y arriver un jour.

Q : Votre film parle beaucoup, dans le fond, de politique et d'économie?

R : La politique de la ruralité du gouvernement du Québec n'est pas suffisante pour vaincre le modèle colonisateur qui survit après 100 ans en Abitibi. On n'a jamais modifié notre façon d'exploiter les régions. Ce qu'elles veulent, c'est de pouvoir se prendre en charge elles-mêmes avec les moyens que ça implique.

Q : La réalité d'un certain développement, c'est d'aller au bout des ressources sans penser plus loin. Le gouvernement a fait croire aux 80 000 colons abitibiens que les mines, les forêts et l'eau, c'était sans fin, non?

R : C'est une immense tromperie nationale orchestrée par Duplessis et l'abbé Maurice Proulx, entre autres. En fait, le but était triple: le clergé voulait sauver la race, le gouvernement, occuper le territoire, et les compagnies, faire des profits.

Q : On pourrait penser qu'il ne fallait jamais y aller en Abitibi, dans le fond. Mais une fois les gens déplacés et installés, quand il n'y a plus de ressources, que fait-on?

R : Je ne crois pas que l'avenir du Québec passe uniquement par les villes. Il y a une autre façon de voir le développement du pays et des régions. Heureusement, les nouvelles technologies offrent des pistes de solution. Ils étudient la possibilité d'utiliser les saules, qui poussent en trois ans dans cette terre-là, pour la fabrication de l'éthanol. La machinerie agricole et les anciens moulins à scie seraient utilisés. Mais, en même temps, je crains que ce ne soit encore qu'un autre beau rêve abitibien.

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Au pays des colons est présenté au cinéma Ex-Centris.