En deux ans, Christal Films est passé du statut envié d'acteur indépendant et incontournable au Québec à celui d'entreprise en crise, accumulant près de 22 millions de dettes. Que s'est-il passé?

Placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers jusqu'au 16 juin 2008, Christal accumule une dette estimée à 21 901 000 $, d'après les documents déposés en Cour. Christal Films doit 8 099 000 $ aux producteurs de 58 films canadiens et étrangers qu'il s'est engagé à distribuer. Face à l'insolvabilité du distributeur, certains ont résolu de confier leurs films à d'autres distributeurs.

Christal est aussi endettée envers la Banque Nationale et la Financière des entreprises culturelles (FIDEC), à hauteur de 570 000 $. L'identité des créanciers n'est pas encore publique, mais on sait que parmi ceux-ci se trouvent son actionnaire majoritaire, Maple Picture, la maison mère de Maple, Lionsgate, ainsi que certains vendeurs français, qui ont repris leurs films «en raison du non-paiement complet des minimums garantis», notent les documents officiels.

Christal a ainsi perdu Young People Fucking, de Martin Gero et My Blueberry Nights, de Wong Kar-wai, vendus à Séville et Équinoxe, mais aussi le très attendu Bienvenue chez les Ch'tis, de Dany Boon. Le film n'a toutefois pas été récupéré par un concurrent, mais par un ami de Christian Larouche, le producteur André Link.

Les affaires de Christal Films ont pourtant été florissantes entre 2004 et 2006. En 2006, la maison enregistrait son plus fort chiffre d'affaires (28 381 151 $), réalisant même, pour la première fois, un bénéfice de 618 541 $. Dès 2007, le chiffre d'affaires était en baisse (22 092 154 $), et les comptes retombaient dans le rouge (1 015 840 $ de pertes).

À la fin de son exercice terminé le 31 mars 2008, les revenus (15 499 811 $) sont inférieurs aux coûts de l'entreprise (16 681 144 $). Les frais de vente et d'administration et les dividendes versés aux actionnaires de Christal Films connaissent en 2008 leur plus haut niveau des dernières années, et ce, en dépit d'une baisse du revenu.

Autre coût: la maison de distribution verse depuis 2007 des redevances à Maple Picture (1 580 864 $ en 2007, 1 742 043 $ en 2008). Depuis mai 2007, Christal Films ne distribue plus les films de Maple au Québec, une tâche confiée à Séville, un concurrent.

L'espoir d'un partenaire financier

En dépit des difficultés, les dirigeants de Christal ont conservé l'espoir de trouver un partenaire financier. «Beaucoup de gens se sont approchés de nous, mais le fardeau de nos créances et de nos mauvais coups était trop élevé», note le directeur financier de Christal, Bertrand Langlois.

Christal Films dit aussi avoir essayé, ces derniers mois, de compresser ses coûts de mise en marché, sa masse salariale (15 personnes ont quitté l'entreprise), diminuant également la rémunération de ses dirigeants et recherchant des investisseurs ou acquéreurs intéressés par les 58 films en cours de production auxquels Christal est associé. Des mesures qui se sont révélées insuffisantes.

Dans le milieu du cinéma, on murmure que les difficultés de Christal sont liées au trop fort prix que paie le distributeur pour des films étrangers, principalement français. «Il y a des films qui ne valent pas ce pour quoi on s'est commis», répond simplement Bertrand Langlois.

Bertrand Langlois, lui, voit dans les difficultés de Christal le reflet des mutations que connaît la distribution aujourd'hui. «Les coûts de production augmentent, les coûts de mise en marché aussi, les risque de distribution aussi. Alors les marges sont en baisse», dit-il.

Que va-t-il arriver à Christal, et à son imposant catalogue (300 films)? Bertrand Langlois se veut optimiste. «Après l'arrangement avec les créanciers, l'avenir est devant nous», dit-il, et le rachat de Christal ne fait pas partie de cet avenir. En revanche, si le plan d'arrangement était rejeté par les créanciers, le catalogue de Christal Films pourrait être acquis par n'importe quel autre distributeur.