À la ville comme à l'écran, il se dégage de Clint Eastwood la même assurance tranquille qui a fait la renommée de son légendaire personnage de Dirty Harry. À bientôt 79 ans, le réalisateur de The Exchange n'a plus évidemment la force de se lancer aux trousses des crapules. C'est plutôt la caméra qui est devenue son arme favorite pour dénoncer le côté sombre de l'âme humaine.

Dans la foulée de Mystic River, Eastwood s'intéresse à une autre histoire construite autour des crimes commis contre les enfants. À la différence que The Exchange (L'échange), contrairement au roman de Denis Lehane, s'inspire d'une histoire véritable, survenue à Los Angeles, à la fin des années 20, celle d'une mère célibataire, Christine Collins (Angelina Jolie), confrontée à la disparition de son fils de neuf ans.

La police de Los Angeles, alors gangrenée par la corruption et soucieuse de redorer son blason, lui restituera finalement un enfant qui n'est pas le sien. La mère a beau essayer de convaincre du contraire l'inspecteur en charge de l'affaire, celui-ci fait la sourde oreille. Ce gamin est le sien, point à la ligne, on n'en parle plus.

L'entêtement de la jeune femme lui coûtera cher. Déterminée à la faire passer pour folle, la police l'enverra pour un moment dans un institut psychiatrique. Christine Collins ne lâchera toutefois pas son combat. Aidé par un pasteur charismatique (John Malkovich), ardent dénonciateur de l'immoralité de la police de Los Angeles, la mère courage ira au bout de sa recherche de la vérité. Une vérité qui amènera un policier sur la sordide histoire d'un tueur en série d'enfants.

Le pire des crimes

«De tous les crimes, ceux commis contre les enfants sont certainement les plus haineux, explique Clint Eastwood. Ils nous amènent à nous questionner sur la véritable humanité de l'homme. Il est difficile de comprendre que de telles choses puissent arriver.»

À l'image du personnage de Christine Collins (magnifiquement interprétée par Angelina Jolie), le vétéran réalisateur estime que la recherche de la vérité est une valeur absolue, dans la vie comme au cinéma. «La vérité est la chose la plus importante, que ce soit pour un réalisateur ou un acteur. C'est l'une des plus grandes vertus sur la planète. C'est d'ailleurs ce qui rend l'histoire du film si intéressante.»

Après A Mighty Heart, où elle incarnait la femme d'un journaliste kidnappé, Angelina Jolie reprend un personne qui doit affronter une réalité similaire. «Il y a des ressemblances, c'est vrai, mais je joue ici le rôle d'une mère confrontée au pire cauchemar qui soit, l'enlèvement de son enfant.»

Jolie s'est inspirée de ses propres instincts maternels, et de sa propre mère, afin de construire son personnage. "J'ai analysé mon rapport avec ma mère, que j'ai eu le malheur de perdre cinq mois avant le début du tournage du film. C'était quelqu'un de timide, mais aussi de très protecteur, comme une lionne avec ses petits."

Dirty Harry : une fantaisie

Dans un autre ordre d'idées, Eastwood a eu à revenir sur ses années Dirty Harry, à la suite d'une question de la presse. «C'était il y a 38 ans. J'ai aimé incarner ce personnage tenace en combat contre la politique et la bureaucratie, comme le personnage de The Exchange. C'était un rôle fantaisiste, surtout lorsque tu peux pointer un Magnum .44 au visage de quelqu'un. C'était un vrai plaisir...»

Reste à savoir maintenant si Eastwood repartira bredouille de la Croisette pour une cinquième fois. Si The Exchange n'est pas le plus puissant de sa filmographie, il n'en demeure pas moins efficace, malgré une approche très classique. Chose certaine, Eastwood a un allié de poids au sein du jury, le président Sean Penn, qui a obtenu son Oscar grâce à lui pour Mystic River.

Les films vus à Cannes

The Exchange
(Clint Eastwood, États-Unis)
* * *

À la fin des années 20, une mère célibataire doit faire face à la disparition de son fils, mène un combat contre la corruption au sein de la police de Los Angeles, après s'être vu restituer un enfant qui n'est pas le sien. Un Eastwood classique et assez efficace. Angelina Jolie en route pour une nomination à l'Oscar?

Two Lovers
(James Gray, États-Unis)
* * * 1/2

Un homme dépressif est partagé entre deux femmes diamètralement opposées. Un triangle amoureux intelligent et sensible. Excellent Joaquin Phoenix.

Aujourd'hui

Che
(Steven Soderbergh, États-Unis)

Surveillance
(Jennifer Lynch, États-Unis)