Même si son film a été bien accueilli, Atom Egoyan n'a pas eue la vie facile hier à Cannes. La projection d'Adoration à laquelle les journalistes étaient conviés avait en effet lieu au moment même où Steven Soderbergh et la bande du Che se prêtaient au jeu de la conférence de presse.

Quand est venue l'heure où l'équipe d'Adoration devait à son tour se présenter devant la presse, Quentin Tarantino donnait sa «leçon de cinéma» dans une autre salle du Palais. C'est dire que la conférence d'Egoyan, un abonné de la Croisette, a été livrée devant un parterre plutôt clairsemé, constitué essentiellement de journalistes du pays.

Le réalisateur de The Sweet Hereafter, Grand Prix du jury ici même il y a 11 ans, arrive pourtant avec un film fascinant, probablement l'un de ses plus marquants depuis celui qui, justement, lui avait presque valu la Palme d'or.

À partir d'un fait divers vieux de plus de 20 ans, Egoyan construit une histoire complexe dont les résonances trouvent un écho très familier dans son oeuvre. Adoration donne en effet l'occasion au cinéaste canadien d'aborder les thèmes qui lui sont chers, notamment le rôle que tient la technologie dans la communication entre les êtres, et les nouvelles conceptions d'intimité qui en découlent.

«Le personnage principal s'invente une vie sur l'internet car il s'agit d'une façon pour lui de se construire une identité, expliquait hier le cinéaste. Il y découvre aussi des choses qu'on ne lui a jamais révélées sur lui-même.»

Tout part de Simon (Devon Bostick), un adolescent de Toronto dont l'histoire personnelle, mise en ligne, suscite un intérêt certain dans les forums de discussions de sa communauté.

Si bien que son prof de français, une femme prénommée Sabine (Arsinée Khanjian), incite le jeune homme à faire de son histoire un spectacle théâtral.

Se posant comme une victime d'un faux événement, Simon imagine une histoire de complot terroriste qui aurait pu faire en sorte que sa mère périsse pendant qu'elle était enceinte de lui.

«La rencontre avec un autre être humain demeure pour moi la plus fascinante des choses, disait hier l'auteur cinéaste. La plus mystérieuse aussi. Il y a plein de détails à négocier, de codes à établir, un respect mutuel à mériter. L'arrivée de l'internet dans nos vies a fait en sorte que nous devenons de plus en plus conscients de nos deux personnalités: celle que nous avons dans la vraie vie, et celle que nous avons dans le monde virtuel. Quand j'ai organisé des discussions avec des ados, je n'en revenais pas de constater à quel point les jeunes générations sont parfaitement en phase avec ces concepts. Et beaucoup plus à l'aise que leurs aînés devant une caméra!»

Le titre du film fait par ailleurs écho au caractère religieux des différentes discussions qui ont cours dans le récit, de même que l'«adoration» dont fait l'objet le jeune homme de la part de deux personnages en particulier.

Si la mise en place du récit est un peu laborieuse, parce que très complexe, Adoration séduit par la façon dont l'auteur cinéaste traite ses différents thèmes. Fidèle à son habitude, Egoyan a écrit un scénario d'une suprême intelligence.

Du coup, il donne des rôles magnifiques à d'excellents interprètes, notamment sa muse, Arsinée Khanjian, mais aussi Scott Speedman, émouvant dans le rôle d'un oncle qui, jeune, a recueilli Simon chez lui après la mort des parents de ce dernier.

Adoration ne prenant pas l'affiche au Canada avant l'automne (on le retrouvera probablement d'abord au Festival de Toronto), nous aurons évidemment largement l'occasion de revenir sur ce film fascinant, qui ravira les admirateurs du cinéaste.

La frontière de l'ennui

Il est parfois de ces cas où, malgré la meilleure volonté du monde, un spectateur ne peut tout simplement pas souscrire à la proposition d'un cinéaste. La frontière de l'aube, qui fut autant applaudi que hué à la projection réservée à la presse hier matin, fait partie de ces films français qu'on dirait tout droit sortis d'un autre âge.

Philippe Garrel, qui nous a offert Les amants réguliers il y a quelques années, s'est cette fois lancé dans une histoire d'amour tragique. Tourné en noir et blanc (magnifiques images signées William Lubtchansky), ce drame promet pourtant de belles choses au cours des premières minutes, grâce à ses atmosphères et au charme de ses deux interprètes, Louis Garrel et Laura Smet.

Hélas le récit s'enfonce très vite dans le ridicule et les effets dramatiques grotesques. Quand les spectateurs assis dans la salle décident finalement de rire de tout ce qu'ils voient à l'écran, on sait que c'est complètement foutu pour le film. Dommage.

Nos critiques

Adoration
* * * 1/2

La frontière de l'aube
* 1/2