Alanis Obomsawin, la réalisatrice de Kanesatake - 270 ans de résistance, présentait cette semaine la programmation du prochain festival Présence autochtone. L'une des plus célèbres cinéastes canadiennes évoque, à cette occasion, son parcours, et celui des jeunes réalisateurs autochtones.

On retrouve Alanis Obomsawin dans une brasserie de la rue Saint-Denis, peu avant la conférence de presse annonçant les événements organisés dans le cadre de Présence autochtone. La réalisatrice, élégamment vêtue de noir, entame son entrée avec notre entrevue.

Que ressent-elle à l'approche de cette 17e présentation du festival? «C'est fantastique. Je crois beaucoup en Terres en vue - l'association maîtresse d'oeuvre du festival. Je suis contente d'en faire partie», répond-elle.

Concise dans ses propos, peu encline aux digressions, Alanis Obomsawin n'est pas à proprement parler la cliente idéale pour un portrait. Quand certains interviewés se laissent aller aux confidences autour d'un café, Alanis Obomsawin, elle, commente calmement, exigeant peut-être de son interlocuteur une précision qui ne vient pas.

Sur la rétrospective que lui consacre le MoMa jusqu'au 26 mai, Alanis Obomsawin, fraîchement revenue de l'inauguration, dit: «L'ouverture de la rétrospective a été fantastique». Elle ajoute: «C'est un grand honneur. J'étais au MoMa il y a deux ou trois ans pour y présenter un film, et ils m'avaient dit qu'ils avaient ce projet. Je n'y croyais pas trop, puis ils m'ont appelée ce printemps.»

La filmographie d'Alanis Obomsawin n'en est pas à ses premiers honneurs internationaux. Depuis ses débuts à l'Office national du film, à Montréal, à la fin des années 60, Alanis Obomsawin a développé un regard singulier, engagé, sur la réalité des autochtones, notamment grâce à ses quatre films consacrés à la crise d'Oka.

«Il y a eu aussi Créteil, en France (au festival international du film de femmes, en 2005, ndlr) et Barcelone, les films ont voyagé partout dans le monde», dit-elle. Dans chaque pays, la réception réservée à ses films varie. «Les gens des autres pays ne connaissent pas les nations indiennes. C'est toujours révélateur pour eux», croit-elle.

D'origine abénaquise, Alanis Obomsawin a consacré un film à la réserve d'Odanak (Waban-aki: le peuple du soleil levant, sorti en 2006), a brossé le portrait de l'itinérance à Montréal (Sans adresse, 1988), s'est penchée sur le suicide d'un adolescent (Richard Cardinal: le cri d'un enfant métis, 1986) et sur le conflit sur la pêche entre Mi'gmaqs et non-autochtones au Nouveau-Brunswick (La Couronne cherche-t-elle à nous faire la guerre?, 2002).

Aujourd'hui, les jeunes réalisateurs des premières nations sont plus enclins à emprunter d'autres voies que celles de la question sociale. «On passe à un nouveau temps. Quand on a commencé, il y avait tellement de choses urgentes à dire, il fallait donner la voix à notre peuple. Les jeunes aujourd'hui ne se sentent pas dans la même situation.»

«Il y a eu beaucoup de changements et de progrès: on est passé d'un système éducatif résidentiel, où les jeunes étaient enlevés de leurs familles, à un moment où on enseigne les langues dans les écoles, et même les universités», observe Alanis Obomsawin.