Après Iron Man mais avant Hellboy: The Golden Army et Batman: The Dark Knight, The Incredible Hulk déboule sur nos écrans. Antihéros plus que superhéros, le géant vert affiche désormais, quand il est calme, la stature humble d'Edward Norton plutôt que la carrure impressionnante d'Eric Bana. Entretien avec le réalisateur Louis Leterrier, qui n'a pas suivi les pas d'Ang Lee, mais tracé sa propre voie.

«Dans un premier temps, j'ai refusé.» La réponse surprend. Elle semble pourtant très honnête. Louis Leterrier, Français, 35 ans, réalisateur de The Transporter, copain de Luc Besson, a dit non à Marvel Entertainment qui lui proposait de prendre les rênes de The Incredible Hulk. «D'abord, j'ai cru qu'on me proposait de faire la suite du film d'Ang Lee, et je ne voulais pas. Je fais partie de ceux qui ont aimé Hulk mais je ne me serais pas senti à l'aise dans ce genre drame de superhéros parsemé de grands moments d'émotion. Ce n'est ni moi ni ma manière», raconte le réalisateur, joint au téléphone à Los Angeles.

De plus, pour lui, il était nécessaire, pour s'attaquer à un mythe, et Hulk en est un, d'avoir un point de vue, «une accroche sentimentale». C'est alors qu'il a réalisé qu'il n'en avait pas une... mais deux. Fils du réalisateur français François Leterrier et de la designer de costumes Catherine Leterrier, il avait, enfant, deux «nounous» pour s'occuper de lui lors des déplacements, nombreux, de ses parents: un magnétoscope avec deux cassettes VHS, Frankenstein et King Kong; et sa grand-mère, qui l'installait généralement devant la télévision où, tous les samedis après-midi, il regardait religieusement la série Hulk mettant en vedette Bill Bixby et Lou Ferrigno.

«Je me suis rendu compte qu'on me donnait l'occasion de faire mon Frankenstein, mon King Kong puisqu'il y a de cela dans le destin de Bruce Banner-Hulk», poursuit le réalisateur. Qui a quand même demandé un temps de réflexion pour poser sur papier les bases d'une histoire qui n'en serait pas une «des origines». «Ang Lee l'a faite et je n'avais pas envie de passer 40 minutes à réexpliquer la naissance de Hulk. Je voulais retourner à l'esprit de la série. Bruce Banner est déjà habité par Hulk, il tente de s'en débarrasser.» Réponse du studio? «Vas-y.»

Il y est donc allé. D'abord, à la recherche de celui qui prendrait la relève... non pas d'Eric Bana, «trop baraqué, selon moi», mais de Bill Bixby, «pour qu'on sente, vraiment, le contraste entre Banner et Hulk». Ce qu'il voulait, répétait-il à sa directrice la distribution, c'était «quelqu'un comme Edward Norton». «Comme», parce qu'il était persuadé que la vedette de Fight Club ne serait pas intéressée par ce genre de film.

Puis, l'occasion lui a été donnée d'aller dîner avec l'acteur, à New York. «La pire heure et demie de ma vie, pouffe-t-il. Je lui ai pitché mon truc et je n'ai pas cessé de m'enfoncer. Et lui, qui me regardait avec ses yeux de chat. J'avais l'impression qu'il scannait mon cerveau.» Louis Leterrier a pris l'avion pour Los Angeles avec une impression d'échec total. À l'atterrissage, une quinzaine de messages l'attendait. «Mais qu'est-ce que tu lui as fait? Il t'a adoré, il veut faire le film!» s'exclamait-on en substance.

Non seulement avait-il trouvé une tête d'affiche, mais quelqu'un pour mettre la main à la pâte sur le scénario (voir autre texte), puis l'adapter aux comédiens choisis par la suite: «Il a réécrit, pour eux, les dialogues un peu génériques que Zak Penn et moi avions pondus. Un scénario, c'est comme un costume. Il l'a ajusté aux autres acteurs.» C'est-à-dire William Hurt dans le rôle du général Ross, qui tente de mettre la main sur Bruce Banner; Liv Tyler en Betty Ross, fille du précédent et amour impossible du scientifique «maudit»; et Tim Roth dans le rôle d'Emil Blonsky, le soldat qui va accepter de subir des expériences et se transformer en The Abomination.

Là, les effets spéciaux prennent la relève des gens de chair et de sang. Quoique... Dans le cas de Hulk, «il nous a fallu plus d'un an de travail rien que pour avoir les premiers calculs de peau», souligne Louis Leterrier, qui désirait une créature aussi impressionnante que «réaliste». Son modèle: une photo de Bruce Lee, dont les muscles sont parfaitement découpés, tendus, dessinés sous la peau. À la manière, aussi, de ceux de Lou Ferrigno dans la série télé et ses artisans auxquels The Incredible Hulk rend plus qu'un hommage.

«En fait, rigole le réalisateur, je me suis mis à genoux devant eux!» Amen, donc...