Une centaine d'employés montréalais de la compagnie d'effets spéciaux Studios Météor attendent toujours d'être payés pour le travail effectué sur le film Voyage au centre de la Terre 3D. Trois semaines avant la sortie du film, ils réclament toujours aux administrateurs de Studios Météor près d'un millionde dollars.

L'histoire des employés de Studios Météor n'a rien de fantastique. L'an dernier, peu avant Noël, ils apprenaient que Studios Météor, l'un des fleurons de l'industrie des effets spéciaux à Montréal, fermait ses portes, omettant au passage de payer les derniers salaires ainsi que les heures supplémentaires d'une centaine d'entre eux.

En août 2006, Météor Studios décrochait l'un des plus gros contrats au Canada pour les effets spéciaux d'un film innovateur produit par Walden Media (Les Chroniques de Narnia), avec Voyage au centre de la Terre 3D, d'Eric Brevig. L'équipe de Météor, dont la taille varie entre 100 et 250 employés, doit réaliser pour l'automne 2007 300 plans, et six séquences.

En novembre, l'échéance arrivant à grands pas, les choses commencent à dérailler. «On demandait aux artistes de travailler entre six et sept jours par semaine. Toutes les heures supplémentaires étaient dans une banque de temps, les gens n'ont jamais été payés, en plus du dernier mois de travail», raconte Valérie*, une chargée de production à qui Météor doit plus de 8000 $.

«On a pris les employés en otage, on les a mis dans une situation où on ne pouvait pas les payer. Pour être payé à la fin d'un projet, il faut le finir. Les employés sont comme coincés dans une situation où ils doivent finir, même s'ils ne sont pas payés», résume Frédéric, un artiste qui attend 15 000 $ de Météor.

La direction de Météor a dû veiller au bon déroulement des dernières étapes de la création du film, promettant aux employés d'être payés, en retard, certes, mais en totalité.

«Je n'étais pas au téléphone directement avec les actionnaires, cependant, on me disait que les actionnaires soutenaient la compagnie», dit un ancien cadre administratif.

Les plans et séquences sont terminés dans les délais, mais les paies n'arrivent toujours pas. En décembre, les employés apprennent par courriel la fermeture d'abord temporaire, puis définitive de l'entreprise. En mars, l'entreprise fait faillite. D'après les documents déposés en Cour, les créanciers de Météor sont, en majorité, ses anciens employés.

Le sort des employés passe alors entre les mains des Normes du Travail, qui entament des démarches, toujours en cours, contre les administrateurs de la défunte compagnie, géant médiatique américain.

«Je peux comprendre qu'on ne paie pas ses employés quand on a une petite entreprise familiale. Mais pas quand on a derrière soi une énorme corporation qui vaut 4,8 milliards! (Discovery, NDLR)», s'exclame David Rand, un Américain retourné à Hollywood depuis la fin de Voyage au bout de la Terre 3D.

Un milieu en difficulté

La faillite des Studios Météor est symptomatique des difficultés que connaît le milieu des effets spéciaux à Montréal, analyse un ancien cadre de Météor. «C'est un problème de conjoncture: le dollar canadien très fort a fait en sorte que nous avons perdu 20 % de compétitivité. Autre chose: la grève des scénaristes a eu un mauvais effet pour l'ensemble des boîtes... plus aucun contrat n'est venu à Montréal.»

Pourtant, au moment où Météor mettait la clé sous la porte naissait à Montréal un nouveau studio spécialisé dans les effets spéciaux: Lumiere VFX.

Hasard ou coïncidence, Lumiere VFX, qui compte 25 employés, s'est installée dans les anciens bâtiments de Météor, a acquis le matériel de Météor, et recruté une partie de son personnel.

«Ce n'est pas parce qu'on voulait être forcément là. Météor est une société avec laquelle on n'a pas de contacts», affirme Justin Ackerman, l'un des fondateurs de Lumiere. Lui veut croire en des lendemains qui chantent à Montréal.

Si David Rand prévoit une belle carrière en salle pour Voyage au centre de la Terre 3D, il se fait moins optimiste quant aux chances de succès qu'ont les démarches entamées contre Honeycute et Delespinois d'aboutir: «Ils sont de toute façon bien plus forts que tout ce que les employés pourraient faire contre eux.»

«Je suis américain, et j'ai honte des compagnies qui viennent au Canada font des choses inenvisageables aux États-Unis», dit-il. Il a tenté d'attirer l'attention de la gouverneure générale Michaëlle Jean et de la ministre du Patrimoine Josée Verner sur le dossier. Jusqu'à maintenant, sans succès.

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* À l'exception de David Rand et Justin Ackerman, les prénoms ont été changés pour protéger l'anonymat des interviewés.