Les Québécois devraient aller à Québec de la même manière que les musulmans vont en pèlerinage à la Mecque, affirme le cinéaste Jean-Claude Labrecque.

Pour Infiniment Québec, son dernier film prenant l'affiche à Montréal cette semaine, il a lui-même pris un an pour effectuer ce retour aux sources, dans une ville qu'il a quittée à l'âge de 20 ans pour des raisons professionnelles.

Au fil de sa carrière comme réalisateur et chef opérateur, Jean-Claude Labrecque, qui a grandi dans le quartier Limoilou, est allé souvent à Québec pour des tournages.

Il rêvait de faire un film sur la ville à partir de tous les points de vue découverts ainsi. Avec le 400e anniversaire de la ville, l'occasion s'est présentée.

Le résultat est un film contemplatif - de «vagabondages», dit-il - où les tableaux, cartes, gravures et photos d'époques alternent avec des prises de vue de la ville aujourd'hui, au cours des quatre saisons.

«L'idée c'était de vagabonder dans le début du siècle (dernier) et le début de la colonie, et de mêler en parallèle les images d'aujourd'hui et d'il y a 200 ans», a-t-il dit jeudi lors d'une entrevue.

Jean-Claude Labrecque a ainsi eu accès à des oeuvres qui ne sont jamais exposées, tirées des collections des musées de Québec ainsi que des archives nationales.

«Ils m'ont épaulé beaucoup, a-t-il dit. Ils ont sorti des trésors.»

Le film a aussi profité des nombreuses rencontres entre le cinéaste et des résidants de Québec, au coin des rues où sa caméra était plantée.

Certains lui ont donné accès à leur maison où, à partir d'un passage ou d'une fenêtre, il a obtenu des points de vue particuliers de la ville.

Jean-Claude Labrecque en profitait aussi pour filmer leurs albums de photos, dont certaines images se sont retrouvées dans son film.

«Les gens venaient me voir, me donner des photos, montrer leur album, leur maison, montrer la fenêtre qui pour eux donne un bon point de vue, a-t-il dit. C'était exceptionnel. J'ai perçu une espèce d'envoûtement, de fierté. Je n'ai pas vu ça ailleurs.»

Pour son film, tourné presque exclusivement  à l'intérieur des fortifications du Vieux-Québec, le réalisateur a confié la lecture d'un commentaire au comédien Gilbert Sicotte, qui a interprété l'alter ego du cinéaste dans ses oeuvres de fiction, dont Les Années de rêve.

Jean-Claude Labrecque a conçu la narration comme une conversation avec la France, à travers l'évocation d'un camarade de classe issu d'une famille de la noblesse française, exilée à Québec à cause de la guerre, qu'il a fréquenté lors de ses études.

«Ça me permet de remontrer à la France, de lui faire voir ce pays, cette ville dont ils ont été obligés de se séparer», a dit le cinéaste, qui travaille actuellement à un documentaire sur Félix Leclerc.

Âgé de 70 ans, Jean-Claude Labrecque affirme qu'il aurait souhaité pouvoir rester à Québec au lieu de s'exiler à Montréal pour travailler à l'Office national du film où, avant d'être réalisateur, il est devenu, dans les années 1960, un caméraman recherché.

«J'ai eu de la difficulté à m'arracher de Québec», a-t-il dit.

Le tournage de «Infiniment Québec» lui a donné l'occasion de renouer, pendant un an, avec une ville chargée d'histoire qui, selon lui, n'a pas encore livré tous ses secrets.

«C'est ça qui est formidable de marcher à Québec: c'est plein de mystères, de secrets et d'histoires qu'on ne connaît pas encore», a dit le cinéaste, ajoutant que les souvenirs, la lumière et la beauté de la ville l'ont incité à faire son métier.

Jean-Claude Labrecque n'avait pas l'intention de livrer un message avec son film, mais il espère quand même qu'il incitera à la préservation de son patrimoine.

«Faut garder ça comme ça. On devrait aller à Québec comme les Arabes vont à La Mecque. Tout Québécois devrait aller deux jours à Québec», a-t-il lâché en riant.

Projeté dans la capitale québécoise depuis le début du mois, Infiniment Québec prend l'affiche à Montréal dès vendredi.