Si les tours jumelles du World Trade Center sont associées pour toujours à la tragédie du 11-Septembre, un documentaire sort de l'oubli un aspect insolite de leur histoire: le jour d'été 1974 où un funambule français a marché sur un fil entre les deux gratte-ciel new-yorkais.

Intitulé Man on wire (Homme sur un fil), le film du Britannique James Marsh relate l'incroyable exploit de Philippe Petit, qui avait «dansé» entre les tours pendant 45 minutes, à plus de 400 mètres d'altitude et sans la moindre sécurité.

Sortant le 8 août aux États-Unis, l'oeuvre, déjà encensée par la critique et récipiendaire d'un prix au dernier festival de Sundance (Utah, ouest), ne fait aucune référence à la destruction des Twin Towers, 27 ans après, un parti pris selon M. Marsh.

 «L'histoire de Philippe représente un moment magique pour les tours, quand ces deux bâtiments à la gloire du capitalisme ont été transformés en tableau d'art pendant 45 magnifiques minutes», explique le réalisateur à l'AFP.

 «Alors j'ai décidé très tôt de ne pas mentionner d'images d'une catastrophe obscène, qui implique la perte tragique de milliers de vies, alors que l'histoire de Philippe en constitue exactement l'opposé», dit-il.

Man on wire s'intéresse d'abord aux minutieux préparatifs du funambule et de ses complices dans ce qui s'apparente à la planification d'un braquage de banque. Philippe Petit s'est en effet passé de l'autorisation des autorités et a mené son exploit en toute illégalité.

Il n'avait pas encore 25 ans et était obsédé par les tours depuis qu'il avait lu un article sur leur érection dans un magazine à Paris en 1968. «J'avais cette idée folle de marier ces deux magnifiques bâtiments avec un câble», se souvient M. Petit, récemment interrogé par l'AFP lors de la promotion du film aux États-Unis.

À l'époque, M. Petit avait déjà acquis une certaine notoriété après avoir marché sur des fils tendus dans le port de Sydney (Australie) et entre les deux tours de Notre-Dame, à Paris.

Mais malgré un entraînement sur le fil de 200 kg prévu pour New York dans la campagne française, rien ne pouvait préparer le funambule à l'émotion de ses pas entre les tours, «une tempête de plaisir et de bonheur, une tempête de surprises», selon lui.

 «L'entraînement n'avait pas vraiment aidé, parce que s'entraîner à quelques mètres du sol ne peut jamais représenter ce qu'est affronter le vide, de ressentir un océan de rien sous vous», explique M. Petit.

Lui et une poignée d'amis s'étaient fait passer pour des journalistes d'une revue d'architecture afin d'avoir accès au toit du World Trade Center et d'y repérer des points d'ancrage.

Et le jour fatidique, M. Petit ne s'était pas contenté de marcher sur le câble de 60 mètres: il l'avait traversé huit fois, s'était assis dessus et avait même parlé aux occupants d'un hélicoptère qui le survolait. Il s'était ensuite rendu à la police.

Libéré et auréolé d'une célébrité mondiale instantanée, le funambule a refusé des offres pourtant juteuses. «J'ai rejeté des dizaines d'offres parce que nombre d'entre elles avaient un aspect commercial, ça ne m'intéressait pas. J'ai dit non à la perspective de devenir instantanément millionnaire», se rappelle M. Petit.

Ce dernier, 59 ans le 13 août, a continué ses exploits, mais selon lui, rééditer une tentative similaire à celle de 1974 dans le monde de l'après 11-Septembre est devenu impossible.

 «Je pense honnêtement qu'aujourd'hui, on serait abattu d'une balle avant de réussir un truc pareil. J'ai beaucoup de projets, des bâtiments dans le monde entier entre lesquels je voudrais marcher. Mais nous vivons dans un monde différent», constate-t-il.