En 1976, une dégustation à l'aveugle tenue en France a, contre toute attente, rehaussé la réputation des vins californiens. Bottle Shock relate cet important chapitre de l'histoire viticole

Les viticulteurs californiens parlent d'un «avant» et d'un «après» Jugement de Paris. Pour faire la publicité de ses Caves de la Madeleine, le marchand de vin britannique Steven Spurrier organise en 1976 - l'année du bicentenaire américain - un concours entre les vins américains et français, histoire d'élire les meilleurs crus.

Par souci d'objectivité, les juges, tous français, étaient invités à procéder à une dégustation à l'aveugle des vins sélectionnés. Aussi furent-ils eux-mêmes surpris - et atteints dans leur fierté nationale même - quand ils constatèrent que les deux vainqueurs, tant du côté des blancs que des rouges, provenaient de la vallée de Napa en Californie.

«Ce fut une onde de choc, explique Randall Miller, coscénariste et réalisateur de Bottle Shock, une comédie dramatique construite autour de cet événement. Ce concours a mis les vins californiens sur la carte. Auparavant, ils n'étaient pas du tout pris au sérieux.»

Comme nombre de ses compatriotes, Miller, un cinéaste issu de la sphère indépendante qui travaille toujours en équipe avec sa compagne Jody Savin, ne connaissait rien de cette histoire.

«J'apprécie les bons vins comme tout le monde mais je ne suis pas un expert. Je me doutais qu'un événement précis a fait en sorte que la réputation des vins californiens a radicalement changé au cours des années 70, mais je ne savais pas vraiment de quoi il s'agissait.»

Savin et Miller qui, habituellement, ne travaillent que leurs propres scénarios, se sont laissé convaincre par le producteur J. Todd Harris (Urbania) de jeter un coup d'oeil sur un script déjà existant, au coeur duquel figurait ce concours dont les résultats ont semé l'émoi sur la planète viticole.

«Le prétexte, déjà, était intéressant, mais encore fallait-il mettre un peu de chair autour de l'os. Et trouver des personnages qui sont dramatiquement riches», observe Miller.

Les coscénaristes n'ont pas eu à chercher très loin pour trouver les héros de leur histoire.

«En nous inspirant des véritables protagonistes, nous avons pu aller au-delà de la compétition car ces gens possédaient déjà des personnalités très fortes. La dynamique particulière entre le vigneron Jim Barrett et son fils Bo nous a tout de suite conquis!»

Bill Pullman prête ainsi ses traits à cet ancien avocat qui, dans les années 70, abandonne tout pour établir son vignoble à Napa Valley. Il y produit le Chateau Montelana, un vin blanc à base de chardonnay. Chris Pine interprète de son côté Bo, un fils un peu déjanté qui trouvera quand même le moyen, contre l'avis de son père, de rendre célèbre le vin produit par ce dernier.

«Dès que nous les avons rencontrés, nous les avons adorés! dit Savin. Ils ne nous connaissaient pas depuis cinq minutes que déjà ils s'obstinaient! C'était merveilleux!»

Alan Rickman incarne par ailleurs Steven Spurrier, cet expatrié anglais installé à Paris qui, pour mettre au point le concours qu'il organise, se rend en Californie afin de choisir des vins qui pourraient peut-être - peut-être - rivaliser avec les crus du terroir français.

Ayant déjà cédé ses droits à un autre projet de film dans lequel son nom est évoqué, Spurrier n'a pas pu collaborer avec l'équipe de Bottle Shock.

«Comme je le connaissais déjà un petit peu, je lui ai quand même téléphoné! indique Alan Rickman. Qui, pour les besoins du film, a dû ressortir les notions de langue française qu'il possédait.»

Un regain d'intérêt

«Quand Spurrier a su que j'allais l'incarner à l'écran, il en a été horrifié! Je l'ai rassuré en lui disant que je ne ferais pas une imitation. À vrai dire, j'aimerais même qu'il devienne une sorte de héros grâce à ce film. Ce qu'il est déjà pour les vignerons californiens de toute façon.»

Rickman, tout comme Pullman, connaissait déjà le couple Savin-Miller puisqu'ils étaient de la distribution de Nobel Son, le film précédent du tandem.

«J'ai tout de suite aimé l'idée. Jody et Randall sont par ailleurs des gens à qui je fais déjà confiance. Je sais qu'ils se sont empressés d'écrire un synopsis d'une vingtaine de pages pour m'attirer dans leur projet mais mon idée était déjà pas mal faite. Et je suis super heureux du résultat.»

Entièrement tourné à Napa Valley, dans le vignoble même qu'exploitent les Barrett, Bottle Shock, prend aussi en compte le nouvel intérêt que portent les Américains au monde de la viticulture.

«Il y a d'abord eu cet article du magazine Time en 1976, qui relatait la victoire de la Californie sur la France à la fameuse dégustation, explique la productrice Jody Savin. Même s'il a été publié dans un coin de la page 60, cet article a évidemment produit son effet. Aussi, il est indéniable que le succès du film Sideways il y a quelques années a contribué à ce regain d'intérêt. Ce fut en tout cas un bonheur d'aller tourner ce film dans la vallée de Napa, d'autant plus que les Barrett n'avaient rien à cirer de la présence d'une équipe de cinéma. Ils avaient des vins à produire. Et pour eux, c'était beaucoup plus important!»

Bottle Shock prend l'affiche le 15 août en version originale anglaise seulement. Les frais de voyage ont été payés par Alliance Vivafilm (Freestyle Releasing).