Refuge, le film d'Alexandre Trudeau sur le Darfour qui sort aujourd'hui en première mondiale au Festival des films du monde, n'est pas vraiment un documentaire sur ce drame, où Omar el-Béchir, président du Soudan, risque d'être inculpé de «génocide» devant la Cour pénale internationale (CPI).

«C'est un regard subjectiviste, impressionniste, porté sur les paysages et les gens lors d'un voyage où je figure moi-même comme l'un des personnages», a expliqué le cinéaste à La Presse en entrevue téléphonique de Pékin.

«C'est un film tintinesque, où je joue un rôle de guide pour ouvrir des coins du monde qui nous semblent difficiles ou impossibles d'accès, au plus grand public possible», a-t-il ajouté.

L'idée du film de 52 minutes est de Jonathan Pedneault, élève au secondaire qui a intéressé Trudeau au projet et qui y a collaboré comme coscénariste et coproducteur. Mais c'est la narration de Trudeau qui sert de fil conducteur au film, et il en assume volontiers la paternité.

Alexandre Trudeau n'en est pas à ses premières armes derrière la caméra: il a signé des films sur la guerre au Liberia et en Irak, la vie des autochtones canadiens et de la jeunesse serbe, le mur de sécurité d'Israël, le rôle du Canada dans le maintien de la paix et la détention de présumés terroristes au Canada.

Les limites d'une technique

Sa technique est toujours la même, maintient-il, et il s'en tient à des choix stricts: montrer à l'écran les gens et les paysages en contexte réel, éviter les interprètes pour ne filmer que des interlocuteurs qui parlent anglais ou français, éviter aussi les mises en contexte politiques. « Je ne parle pas de ce que je ne peux montrer à l'écran.»

Ces choix imposent des limites. Ainsi, l'option d'entrer au Darfour avec le JEM, un des deux mouvements en guerre contre Khartoum avec le soutien du Tchad, nous montre une partie d'un côté de la médaille, dans un conflit où les déplacés et les réfugiés sont des pions sur un échiquier qu'ils ne contrôlent pas.

Les acteurs majeurs - les pays occidentaux, la Chine, l'Inde, les pétrolières - y figurent à peine. Le père Joël Rouméas, prêtre qui a vécu 41 ans sur le terrain, étoffe le propos de l'oeuvre avec ses commentaires. Le film Refuge, lui, a le mérite de nous rapprocher de la souffrance humaine au Darfour -et, comme le dit Trudeau, «aux autres Darfour qui sont devant nous».