Le 33e Festival international du film de Toronto a été lancé hier avec la présentation du drame de guerre canadien Passchendaele de Paul Gross. Ce soir, Brad Pitt foulera le tapis rouge pour présenter Burn After Reading, le nouveau film des frères Coen.

L'impression de vertige est toujours la même. Et toujours aussi surprenante. Dès qu'il pose le pied à Toronto, le festivalier est immédiatement happé par le tourbillon. De la même manière qu'elle le fait depuis toujours au printemps à Cannes, toute la planète cinéma converge maintenant aussi vers la Ville reine à l'automne. Et ça fait du monde. Le 33e TIFF (Toronto International Film Festival) n'était même pas encore lancé officiellement hier que déjà il fallait jouer du coude pour circuler dans les installations du Sutton Place Hotel, où le festival a établi ses quartiers.

Un simple coup d'oeil sur les statistiques suffit à nous couper le souffle: 249 longs métrages ont été retenus, parmi lesquels 237 sont présentés ici en première mondiale, internationale, ou nord-américaine. La sélection compte pas moins de 17 programmes. Au total, 312 films (incluant les courts et moyens métrages) occuperont les 36 écrans mobilisés par le TIFF jusqu'au 13 septembre. En 10 jours, plus de 340 000 admissions seront enregistrées dans les salles où festivaliers et professionnels se donnent rendez-vous.

Bien sûr, tout cela n'est pas que l'effet du hasard. Le jour où les Américains, il y a maintenant plus de 20 ans, ont estimé que ce festival servait bien leurs intérêts, le reste de la planète cinéma a rappliqué. De sorte que Toronto constitue depuis un rendez-vous incontournable. Mais il y a plus. La sélection est en effet construite avec beaucoup de soin. Et fait honneur aux diverses tendances en regroupant les films dans des programmes conçus pour les mettre en valeur.

À vue de nez, il y a pourtant un petit quelque chose de différent cette année. Utilisant habituellement le Festival pour lancer leurs poulains dans la prochaine course aux Oscars, les grands studios hollywoodiens se font curieusement plus discrets. La presse américaine s'est d'ailleurs beaucoup émue cette semaine du fait que de grands titres attendus de l'automne ne figurent pas dans la sélection.

Plusieurs s'attendaient en effet à ce que des productions de prestige comme Australia de Baz Luhrmann, Frost/Nixon de Ron Howard, ou même, le fameux W. d'Oliver Stone, fassent leur entrée dans le monde au TIFF. Or, ces films, semble-t-il, ne sont pas prêts. Et plutôt que de présenter une copie de travail qui risque de tuer un film dans l'oeuf si la rumeur torontoise est mauvaise (le plus récent film de Cameron Crowe, Elizabethtown, est exemplaire à cet égard), les grands studios préfèrent ne rien précipiter.

En fait, ce sont plutôt les branches spécialisées des studios qui ont pris le haut du pavé cette année, d'autant plus qu'elles produisent, justement, les films plus susceptibles d'attirer l'attention des critiques et des associations professionnelles. C'est dire que, malgré l'absence de superproductions hollywoodiennes, on retrouve autant de stars au mètre carré dans les environs du quartier général qu'au cours des années précédentes. Brad Pitt (Burn After Reading, le nouveau film des frères Coen), Viggo Mortensen (Appaloosa d'Ed Harris), Keira Knightley (The Duchess), Colin Farrell (Pride&Glory), Adrien Brody (Brothers Bloom), et combien d'autres sont là pour combler les attentes des chasseurs d'autographes.

Du côté québécois, quelques films sont aussi présentés ici en primeur, dont C'est pas moi, je le jure!, le très attendu nouveau film de Philippe Falardeau, Lost Song de Rodrigue Jean, de même que Derrière moi de Rafaël Ouellet.

Envoyez les violons!

Tradition oblige, le 33e TIFF a été lancé hier avec un film canadien. Passchendaele est un drame historique, écrit et réalisé par Paul Gross (Due South, Men with Brooms), inspiré par l'histoire du propre grand-père du cinéaste, soldat pendant la Première Guerre mondiale.

Cette grande production, dont les têtes d'affiche sont Paul Gross, Caroline Dhavernas et Joe Dinicol, est foncièrement sincère, mais que de violons en guise de souffle romanesque! Les excès de sentimentalité coulent malheureusement à pic ce film ambitieux, qui tente en outre de faire vivre au spectateur l'horreur des combats sur le front.

Passchendaele risque d'avoir une certaine résonance au Canada anglais, dans la mesure où le cinéma canadien s'attarde rarement à des sujets de caractère historique, mais le Saving Private Ryan du nord du 49e parallèle reste encore à faire.