Ça y est. Steven Soderbergh a enfin conclu hier une entente de distribution pour son Che aux États-Unis. Depuis la présentation de son diptyque au Festival de Cannes il y a quatre mois, les spéculations à cet égard allaient bon train, certains allant même jusqu’à avancer que personne ne serait assez fou pour tenter de mettre en marché en terre d’Amérique un film d’une durée totale de quatre heures et demie, tourné entièrement en langue espagnole, décrivant de surcroît le parcours d’une icône de la révolution cubaine !

«Ce sera finalement IFC Films qui distribuera Che, annonçait hier Steven Soderbergh au cours d’une entrevue accordée à La Presse. Le film sera montré dans sa forme idéale, de la façon que je souhaite, à tout le moins. Il prendra ainsi l’affiche dans son intégralité, quelque part en décembre, pour une durée d’une semaine ou deux, probablement à New York et à Los Angeles. Ensuite, nous le proposerons en deux programmes distincts pour le reste de sa carrière commerciale en salle.»

Selon le cinéaste, cette façon de présenter le film permettra au noyau de cinéphiles «purs et durs» de pouvoir vivre une expérience cinématographique unique.

«Ceux qui viendront voir Che au cours de cette semaine spéciale d’exploitation auront droit à une présentation de prestige, explique-t-il. Il y aura entracte entre les deux parties. Je crois que cela n’est pas survenu depuis Reds de Warren Beatty ! Aucun générique ne défilera sur l’écran non plus car les spectateurs recevront un programme-souvenir à l’entrée.»

Aucune décision n’est encore arrêtée pour Montréal, mais le film devrait en principe aboutir chez nous au début de l’année prochaine.

Rappelons qu’au départ, Steven Soderbergh avait surtout l’intention de raconter l’épisode bolivien de la vie du Che, beaucoup moins connu et beaucoup moins glorieux. Cet épisode constitue aujourd’hui la deuxième partie de son diptyque.

«Je me suis d’abord intéressé à Guevara parce que sa vie est un récit de cinéma, avait expliqué le cinéaste à Cannes. Peu importe ce qu’on pense du personnage, son parcours demeure exceptionnel. Ce n’est pas tant ses années à Cuba qui m’intéressaient que le parcours de cet homme. Or, pour mettre l’épisode bolivien en contexte, il fallait impérativement faire aussi écho à ce qui s’est passé 15 ans plus tôt à Cuba. Il fallait raconter l’ascension avant de montrer la chute.»

Soderbergh aura mis sept ans pour que le projet se concrétise enfin. Une fois le feu vert obtenu, les tournages ont toutefois dû être réalisés très rapidement. «C’est comme sept ans de préliminaires pour 30 secondes de sexe ! lance le cinéaste en riant. Nous ne disposions que de 39 jours de tournage pour chaque film. C’est difficile mais en même temps, je dirais que j’aime travailler à l’intérieur de paramètres précis. Là j’ai été bien servi.»

Porté par la performance inspirée de Benicio Del Toro, lauréat du prix d’interprétation à Cannes, Soderbegh rend grâce à tous ses acteurs, dont Marc-André Grondin, l’interprète de Régis Debray, alors journaliste militant. «Nous devions travailler tellement vite sur les tournages que j’avais prévenu les acteurs qu’ils seraient probablement un peu laissés à eux-mêmes, étant moi-même trop pris par les problèmes de logistique à régler. Marc-André a été formidable. Je le connaissais déjà un peu grâce à C.R.A.Z.Y. Comme nous avions besoin d’un jeune acteur d’expression française, nous avons fait appel à lui. Et il a plongé. Il a fait preuve d’une très belle volonté.»

Mesrine en spectacle

Autre diptyque à l’honneur aujourd’hui à Toronto : celui consacré à Jacques Mesrine. L’instinct de mort, premier volet consacré à la vie du célèbre criminel français, est assez classique dans sa facture mais néanmoins efficace, d’autant plus qu’il est porté par une performance puissante de Vincent Cassel. Cela dit, il est clair que les artisans de cette grande coproduction franco-québécoise ont retenu les aspects spectaculaires contenus dans la vie de Mesrine et se sont ensuite fait leur cinéma : poursuites endiablées, rafales de tirs, explosions en tous genres ponctuent ce périple singulier, dont une bonne partie se déroule au Québec. Les conditions de détention dans nos prisons et les techniques de torture utilisées, telles que montrées dans le film, n’ont d’ailleurs rien pour fouetter notre fierté nationale… L’instinct de mort doit prendre l’affiche au Québec cet automne.