Cinéma muet Québec est un site tout nouveau, à l'attention des jeunes et moins jeunes publics. On peut y voir des films muets, du début du siècle aux années 30, mais aussi y trouver quantité d'information sur les débuts du cinéma au Québec. Où voyait-on des films? Qui les diffusait? Qui les tournait? Le site est né de la collaboration entre le Groupe de recherche sur l'avènement des institutions cinématographique et scénique (GRAFICS) de l'Université de Montréal, la Cinémathèque québécoise et la Bibliothèque nationale du Québec. Il a été créé dans le cadre du programme Culture canadienne en ligne du ministère du Patrimoine canadien. On retrouve vidéos, documents d'archives et repères historiques au www.cinemamuetquebec.ca.

Q Comment est né le projet de site sur le cinéma muet?

R Le projet est né dans le cadre d'un projet de recherche de l'Université de Montréal, le GRAFICS, qui travaille depuis une quinzaine d'années à comprendre ce qui se passait au Québec au temps du muet. Ils sont d'abord passés au travers de la presse corporatiste, et de beaucoup de choses. Nous, on a fourni de l'information au GRAFICS, un groupe dont je suis membre. Il y a eu un arrimage normal entre la Cinémathèque et le groupe de recherche.

Q Dans le site, il y a une mise en contexte importante. C'est quelque chose qui aide à mieux comprendre les films?

R Il faut se rappeler que très peu de films de cette époque subsistent. C'est vraiment sur le cinéma au Québec au temps du muet, et si on mentionne sur le site des entrées comme celle sur le cinéma et les autochtones, cela ne sert qu'à bien faire comprendre ce qu'était l'expérience cinématographique entre 1900 et 1930.

Q Le site décrit par exemple les salles de projection de l'époque, richement décorées, à l'image de l'Impérial

R La salle de cinéma était un lieu exceptionnel de divertissement. Quand le cinéma a voulu s'anoblir, il est allé chercher des façons de décorer et de construire qui étaient auparavant dans les salles de théâtre, les salles d'opéra, alors que les salles de spectacles populaires où se faisaient le burlesque, les variétés, étaient moins décorées. La beauté des salles était une incarnation concrète de l'anoblissement du cinéma.

Q Le regard du monde politique est aussi présent, non?

R On parle de ceux qui ont voulu s'opposer au cinéma: l'Église, qui voyait le cinéma sous l'angle d'un loisir qui empêchait de sanctifier le dimanche. C'était la seule journée de loisirs des gens! Mais encore, le cinéma transmettait des valeurs perçues comme périlleuses par des groupes, pour la représentation de l'amour, par exemple. Il y a eu un combat des hommes religieux et politiques pour bloquer le cinéma. En 1927, l'incendie du Laurier Palace a donné des munitions à ceux qui voulaient interdire l'accès au cinéma. Cet incendie a été un événement clé, ça a bloqué l'expansion du cinéma pendant plusieurs années.

Q Comment avez-vous choisi les films qui allaient figurer sur le site internet?

R La très grande majorité des films tournés au Québec a disparu. La première condition était donc d'avoir ceux qui subsistent. Ensuite, on a regardé la qualité. On a dressé une liste des films, du tout premier (Danse indienne, des frères Lumière, en 1898) à ceux des années 20. Si le site se développe, on ajoutera d'autres films sans problème.