Gérard Jugnot n'a pas hésité une seule seconde quand Christophe Barratier, le réalisateur des Choristes, lui a proposé d'être l'un des protagonistes de son nouveau film, Faubourg 36. Clovis Cornillac y est aussi allé à fond.

Des liens très forts se sont tissés entre Gérard Jugnot et Christophe Barratier à l'époque des Choristes. «C'est normal! Nous avons fait le tour du monde ensemble! a lancé l'acteur au cours d'une entrevue accordée à La Presse le mois dernier alors qu'il était de passage au Festival de Toronto. Cela aurait pu mal tourner, remarquez! Mais au-delà du succès qu'a connu le film, il y a que Christophe a déjà beaucoup galéré, que le début du tournage des Choristes s'est très mal déroulé pour lui, qu'il s'est battu, et que j'ai été à ses côtés. Forcément, cela crée des liens. Après le succès international de son film, Christophe aurait très bien pu emprunter une direction totalement différente mais il a choisi la continuité. Et ça, ça me touche. Alors quand il m'a proposé d'être de sa prochaine aventure, une aventure qui a les allures de Faubourg 36, j'ai dit oui tout de suite. Et avec enthousiasme!»

Tourné presque entièrement à Prague dans un décor construit pour la circonstance, Faubourg 36 est un conte à saveur musicale inspiré d'un projet qu'avaient ébauché il y a 10 ans Reinhardt Wagner, Frank Thomas et Jean-Michel Derenne. Dotée d'un budget d'environ 30 millions d'euros (45 millions de dollars), cette production ambitieuse réunit quelques-uns des meilleurs artisans du domaine, dont le directeur photo Tom Stern, qui travaille notamment avec Clint Eastwood, et le chef décorateur Jean Rabasse, concepteur des décors de Love, le spectacle du Cirque du Soleil que Dominic Champagne a mis en scène à Las Vegas.

Pendant deux ans, Barratier a peaufiné son scénario en fonction des acteurs qu'il convoitait: Gérard Jugnot bien sûr. Mais aussi Kad Merad et Clovis Cornillac. Campé à l'époque du Front populaire dans un quartier du nord de Paris, le récit relate le parcours de trois ouvriers au chômage qui décident d'investir le music-hall où ils travaillent habituellement pour monter un nouveau spectacle.

«Il y a une filiation certaine avec le réalisme poétique qui était prisé dans le cinéma d'avant-guerre, observe Jugnot. Christophe aime profondément ces films-là. Sa manière est aussi très musicale. Il fait partie de ces cinéastes qui ont envie de spectacle, qui peuvent allier drame et comédie, un peu comme quelqu'un qui sait comment mettre du rose sur le noir de la vie.»

Jugnot admire d'autant plus Barratier que ce dernier propose, avec Faubourg 36, un film qui ne pourrait être plus français sur le plan identitaire.

«Malgré toutes les propositions qu'il a reçues de l'étranger, notamment des États-Unis, Christophe a tenu à faire un film qui lui ressemble, dit-il. Il a eu mille fois raison. Nous ne sommes jamais plus universels que lorsqu'on garde son identité propre. J'en veux pour preuve tous ces films très français d'esprit qui, pourtant, sont ceux qui fonctionnent le mieux auprès du public international. Je pense non seulement aux Choristes mais aussi à des films comme Le fabuleux destin d'Amélie Poulain ou La môme (La vie en rose), des films qui n'auraient pas pu être faits ailleurs qu'en France. Et puis, avec Faubourg 36, Christophe confirme son talent de cinéaste. Et ça me fait grand plaisir. Son succès n'est pas un accident!»

Sur les traces de Jean Gabin

Même son de cloche du côté de Clovis Cornillac, celui que Barratier a choisi parce qu'il voit en ce comédien «l'héritier de Gabin».

«Je trouve cela flatteur de la part de Christophe, mais cela ne correspond pas vraiment à quelque chose de précis dans mon esprit, a commenté l'acteur, également de passage à Toronto. Je crois que les auteurs et les cinéastes ont parfois besoin de références comme celles-là pour construire leur univers, mais les acteurs ne fonctionnent pas comme cela. En revanche, j'ai été entraîné dans la passion que Christophe affichait pour son sujet. J'adore les gens qui travaillent fort pour faire un film à la hauteur de leur ambition. On ne peut que souscrire de tout son coeur et y aller à fond!»

Celui qui a récemment prêté ses traits à Astérix («une très belle expérience malgré tout») affirme trouver notamment dans la démarche de Barratier quelque chose de «très fort et de très beau».

«D'abord, il a campé son récit à une époque où des personnes qui évoluaient dans un contexte difficile ont pris leur destin en main en obtenant des gains sur le plan social. Ensuite, il y a ici une volonté très nette, par la facture même du film, de contrecarrer le cynisme ambiant, qui est maintenant la règle.»

Bien que connaissant cette époque seulement à travers les images qui en subsistent aujourd'hui, Cornillac estime qu'il en reste toujours quelque chose dans notre inconscient collectif.

«Ce film étant une évocation, nous avons bien entendu fait un travail d'imagination. Cela dit, je crois que nous portons en nous cette histoire. Je dirais même que nous portons en nous le patrimoine de l'humanité. C'est forcément très riche.»

Rappelons que Faubourg 36 fut présenté en première mondiale à Montréal, il y a quelques semaines, à la soirée d'ouverture du Festival des films du monde.

Faubourg 36 prend l'affiche le 10 octobre.