Le cinéaste québécois Michel Brault avait de l'émotion et de la reconnaissance dans la voix quand il a rappelé la fête organisée par Cinéma Quatre de Rimouski à l'occasion de la diffusion, la semaine dernière, de son film Les ordres, prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 1975 et des 35 ans du ciné-club rimouskois.

«J'ai été tellement bien reçu à Rimouski», a dit Brault où il est venu après la crise d'octobre faire des entrevues et de la recherche pour Les ordres. «En bas de Québec, dans le Bas-du-Fleuve et au Saguenay-Lac-Saint-Jean, les gens sont plus des conteurs comme à l'Isle-aux-Coudres, mais ce n'est pas le cas à Montréal...»

 

Michel Brault, dont le nom apparaît au générique de près de 200 productions comme caméraman, directeur de la photographie, réalisateur et producteur, a reçu le prix Victor-Morin (Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal) en 1975, le prix Molson (Conseil des arts du Canada) en 1980, le prix Québec-Alberta en 1986, le prix Albert-Tessier (Les Prix du Québec) en 1986 et le Prix du Gouverneur général en 1996.

 

 

«Les ordres, c'est d'abord un film sur l'humiliation et les abus de pouvoir des gouvernements, non pas pour expliquer le pourquoi et le comment de ce qui est arrivé dans notre pays en pointant les responsables de ces événements. Je me suis rendu compte après la diffusion que ce film a encore un rôle de mise en garde. Mon film a déjà été utilisé au niveau international comme en Belgique pour parler des dangers des abus de pouvoir.»

 

Michel Brault salue la nouvelle génération de cinéastes québécois, mais déplore que «notre cinéma ait perdu son côté artisanal. Par les institutions, le cinéma est devenu beaucoup plus à but lucratif. L'ONF n'était pas là pour faire de l'argent, ce qui nous donnait la liberté de faire des choses pas nécessairement rentables. Il peut y avoir des génies ignorés parce qu'ils n'ont pas cette voie aujourd'hui...»

 

Dernièrement, il a tourné les images du coffret du dernier CD de son ami Claude Gauthier avec une «caméra-stylo». Une expression du cinéaste français Alexandre Astruc, qui disait qu'on écrit un film comme un écrivain rédige un roman, avec un stylo.

 

«Nous avions à l'époque des énormes caméras, en 16 mm pour les documentaires et en 35 mm qui pesaient dans les 40 kilos. Les caméras-stylos sont les petites caméras avec une grande qualité pour l'image et le son diffusable à la télévision ou dans une salle de cinéma. Il n'y a plus maintenant cette barrière technique. Mais il faut avoir du génie aussi avec la caméra-stylo. Avec Claude, on travaillait deux ou trois heures par jour dans la détente sur le bord de son lac dans la région de Mont-Laurier. On s'est amusés à faire son DVD qui est un petit film de 50 minutes...»

 

Michel Brault a, entre autres, participé, comme réalisateur ou comme directeur photo, à quatre des 10 meilleurs films canadiens de tous les temps. Il a signé son premier long métrage de fiction en 1967, avec Entre la mer et l'eau douce.