Succès modeste ici, Passchendaele, de Paul Gross, séduit les spectateurs canadiens dans des proportions rares.

Avec un peu plus de 2 millions de recettes au guichet en moins de 10 jours, le film, ancré en plein coeur de la Première Guerre mondiale s'annonce comme l'un des films canadiens les plus populaires de l'année.

Chez Alliance Vivafilm, la branche montréalaise d'Alliance, le distributeur du film, on se frotte les mains. «C'est excellent. Il y a très peu de précédents pour un succès de cette nature-là au Canada anglais. Je pense que chaque fois qu'un film canadien atteint des chiffres comme ceux-là, on doit tous être heureux», dit le président Patrick Roy.

En effet, si les films québécois franchissent régulièrement la barre du million au cours de leur carrière en salle, les films canadiens, eux, sont souvent cantonnés à des scores modestes. Depuis le début des années 2000, seules deux productions canadiennes ont eu un box-office supérieur à celui des films québécois: The Art of War et Resident Evil.

«C'est rarissime d'avoir des succès populaires au Canada anglais, car la dynamique de promotion est complètement différente de celle du Québec. Les gens consomment des médias américains, et pour qu'un film marche, ça prend un thème fort», explique Simon Beaudry, le président de Cinéac, firme qui compile les entrées des cinémas de la Belle Province.

Ça tombe bien: la Première Guerre mondiale «est quelque chose qu'il y a dans notre histoire commune. Cette guerre a touché notre pays dans tous les coins, tous les villages ont été touchés. Tout le monde connaît quelqu'un qui a été touché par cette guerre, que l'on ne voit jamais au grand écran», dit Paul Gross, producteur, réalisateur, scénariste et tête d'affiche du film.

Selon Simon Beaudry, le succès du film est «l'exception qui confirme la règle. C'est la même chose en télévision: pour un Anne of Green Gables qui a bien fonctionné, tu as combien d'échecs? Pour créer un cinéma populaire anglais, les conditions sont très, très nombreuses.»

L'exception québécoise

Au Québec, où le film est présenté sur 21 écrans, Passchendaele ne fait guère de vagues: 101 000 $ de recettes en 10 jours.

«On savait dès le départ qu'on était dans un phénomène beaucoup moins québécois (...). Pour la mise en marché, on a misé plus sur l'aspect romantique du film que sur la fibre patriotique», raconte Patrick Roy.

«Nous avons une situation tellement différente de la vôtre au Québec. J'aimerais que l'on dépasse ça, j'aimerais que le Canada anglais s'intéresse plus au Québec, et que le Québec s'intéresse plus au Canada anglais. Ça a toujours été étrange de voir à quel point nous sommes divisés», constate Paul Gross, lui-même star incontestablement canadienne, peu connu au Québec.

À titre d'illustration, on notera que Le déserteur, sorti par TVA Films sur une quarantaine d'écrans, a dépassé les 100 000 $ de recettes dès son premier week-end d'exploitation.

«Le déserteur est basé sur une histoire vraie, québécoise (la conscription, ndlr). Passchendaele est plus une histoire de l'ouest du Canada anglais», résume Yves Dion, le patron de TVA Films.

Un box-office québécois très américain

Dans le box-office de cette fin de semaine, Le déserteur est au sixième rang des films les plus populaires au Québec. Passchendaele se classe 13e. Highschool Musical 3, Saw V et Pride and Glory sont les films les plus vus du week-end.