En cette journée d'Halloween, le Cinéma du Parc, en collaboration avec le festival Fantasia, projette le documentaire Lovecraft: Fear of the Unknown de Frank H. Woodward.

Entretien avec celui qui, pendant deux ans, a disséqué sur sa table... de montage ce «monstre» de la littérature fantastique et d'épouvante moderne qu'a été H.P. Lovecraft.

Il y a du H.P. Lovecraft dans les univers de Hellboy, d'Evil Dead, d'Alien. Dans le Arkham Asylum vu dans Batman. Entre les lignes des romans de Neil Gaiman, de Peter Straub, de Caitlin R. Kiernan. Dans les images de John Carpenter. Dans les notes et les mots de Metallica et de Iron Maiden.

Né à Providence (Rhode Island) en 1890, où il est mort en 1937, le créateur du mythe de Cthulhu (pas la peine d'essayer de le prononcer: «Ce nom n'est pas fait pour les cordes vocales humaines», note avec humour Caitlin R. Kiernan) et de nombre de nouvelles fantastiques a influencé et influence encore nombre d'artistes contemporains oeuvrant dans les domaines de l'épouvante, de la science-fiction, de la fantasy... même s'il a lui-même vécu presque reclus.

C'est à lui que Frank H. Woodward a consacré deux ans de sa vie, pour ainsi accoucher de Lovecraft: Fear of the Unknown - qui, après avoir remporté le prix du meilleur film documentaire l'été dernier à Comic-Con, est présenté en première internationale au Cinéma du Parc. Une bonne manière d'amorcer la soirée d'Halloween, que de fouiller dans la tête, l'imaginaire, les entrailles de cet être perturbé, agoraphobe et à ce point xénophobe que certains extraits de son journal et de sa correspondance concernant les immigrants, mis en parallèle avec la description qu'il fait des monstres de ses textes... donnent le frisson par leur «parenté».

Bref, un cas. «Et un produit de son époque», souligne le réalisateur joint au téléphone à sa résidence de Los Angeles. «Certaines choses se disaient en ces années et semblaient normales, alors qu'elles sont impensables aujourd'hui. Et Lovecraft n'est pas le seul à pouvoir être montré du doigt pour ce genre de propos. Relisez Ian Fleming: ses «James Bond» sont incroyablement racistes et sexistes. Regardez la série Mad Men, qui ne nous fait retourner «que» dans les années 60, et là aussi, vous n'en reviendrez pas des propos tenus.»

D'accord. Mais disons que Lovecraft pousse loin le bouchon. Les passages de son journal, lus par Robin Atkin Downes (Byron, le télépathe renégat de la cinquième saison de Babylon 5), donnent froid dans le dos. Plus encore que les extraits des oeuvres de l'homme de lettres, auxquels l'acteur prête aussi sa voix.

On ressort donc du documentaire avec l'impression d'avoir été présenté à un génie monstrueux ou à un monstre génial. À un être aussi malsain que fascinant. À un homme dont l'imagination tentaculaire s'est enroulé à celle de bien de ceux qui font maintenant le fantastique, de la science-fiction et de l'épouvante: «Lovecraft a une telle importance pour les John Carpenter, Guillermo del Toro, Neil Gaiman, Peter Straub et autres que tous immédiatement accepté de m'accorder des entrevues à son sujet», fait Frank H. Woodward.

Pour les rencontrer, le réalisateur a sillonné les États-Unis, d'une maison de Portland (Oregon) à un cimetière d'Atlanta, d'un bureau de San Francisco à un studio de Los Angeles, avec un détour imposé mais ô combien apprécié par Providence. Se livrant avec ses interlocuteurs à des entrevues de fond dont il a conservé les moments les plus pertinents pour son long métrage.

«Je voulais faire la démonstration de l'importance de l'oeuvre de H.P. Lovecraft, prouver qu'un documentaire sur lui est aussi pertinent qu'un autre sur... Winston Churchill, par exemple. Et, enfin, montrer qu'il est possible d'avoir des discussions intelligentes et intellectuelles à propos de la littérature de genre, qui est beaucoup plus riche et profonde que ce que l'on imagine.»

«On» étant ceux qui n'en consomment pas mais ne se gênent pas pour la critiquer - et n'ont certainement pas de party costumé, ce soir.

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Lovecraft: Fear of the Unknown au Cinéma du Parc, ce soir à 21 h 30, demain et après-demain à 15 h 30.