Couronné succès familial de 2005 après avoir rapporté plus de 500 millions au box-office, Madagascar se devait d’avoir une suite. Alex, Marty, Melman et Gloria sont donc de retour. Après leur étape «madagascarienne», ils mettent le cap sur le continent africain. Rencontre avec les créateurs de cette suite attendue — et réussie.

«Le premier film, c’était comme le pilote. On présentait les personnages. Avec celui-là, on fait un premier épisode, on met les personnages en action», a résumé l’humoriste Chris Rock, de manière d’ailleurs fort pertinente, lors de rencontres de presse organisées à Los Angeles en vue de la sortie de Madagascar – Escape 2 Africa.

Après leur escapade à Madagascar, où ils ont goûté à la vie hors les murs du zoo de New York, les quatre mousquetaires (Alex le lion m’as-tu-vu, Marty le zèbre verbomoteur, Melman la girafe hypocondriaque et Gloria la pulpeuse hippopotame, vocalement interprétés dans la version originale anglaise par Ben Stiller, Chris Rock, David Schwimmer et Jada Pinkett Smith), s’envolent vers l’Afrique en compagnie de leurs copains, anciens (la bande de pingouins «patenteux») et nouveaux (les plus atypiques des lémurs: le roi Julien et son inséparable Maurice; et quelques singes coups-de-cœur).

«Ç’a a été l’un des défis dans l’écriture de cette suite: mettre en scène autant de personnages, donc autant d’intrigues, les faire converger, et surtout éviter l’impression d’éparpillement», note le scénariste et réalisateur Eric Darnell. «Surtout qu’en plus des personnages rencontrés dans le premier film, il y a ceux que l’on découvre dans celui-ci», ajoute Tom McGrath, son complice à la réalisation et à la scénarisation.

Et ceux-là, ce sont les parents d’Alex, le troupeau auquel peut se joindre Marty et celui qui accueille Melman, et l’amoureux potentiel de Gloria. Autant de rencontres qui vont permettre une aventure ayant plus de chair que la première: menée en action et en humour, on y creuse aussi la psychologie des personnages. «Nous désirions qu’ils aillent plus loin en eux-mêmes, fait Eric Darnell. Marty rêve de courir dans la savane avec un troupeau de ses semblables mais, dans la réalité, qu’est-ce que ça signifie de se découvrir un parmi des centaines d’autres, identiques? Quant à Alex, qui retrouve ses parents, il doit se faire accepter par son père même si ses qualités premières — de showman... ou showlion — ne sont pas celles dont on fait les rois de la jungle. En tout cas, pas à première vue», poursuit Tom McGrath.

À ce défi s’ajoutait celui des espaces, immenses et connus, de l’Afrique. «Avec Madagascar, nous avons pu nous «cacher» derrière des paysages de jungle, d’autant que cette île demeure mystérieuse. Avec l’Afrique, c’était impossible: beaucoup de gens l’ont visitée ou en ont vu des images», fait le producteur Mark Swift.

Pour le relever, ce défi, les réalisateurs, producteurs et principaux animateurs sont partis vers le continent africain. «Pendant que certains allaient en safari, nous, nous travaillions sur l’histoire et nous nous imprégnions d’images», raconte Eric Darnell. «C’est d’ailleurs là que nous avons compris l’importance de l’eau, là-bas... et ça a orienté notre récit», continue Tom McGrath.

Tout cela, pour que ça brasse dans leur savane, oui, mais pour que cette jungle en folie ne soit pas qu’anecdotique. Ni un simple parent de The Lion King. Et ce ne l’est pas! Fiou...

Jungle électorale

Les digressions sont nombreuses lors des tables rondes organisées dans le but de faire mousser la sortie d’un film. Voici quelques propos tenus autour de celle à laquelle La Presse a participé, par les comédiens afro-américains qui font partie de la distribution vocale de Madagascar — Escape 2 Africa. Propos intéressants à quelques jours de l’élection présidentielle américaine.

«Mes attentes sont immenses et mes espoirs, très très grands. Je crois maintenant que le changement est possible et je pense que Barack Obama est l’incarnation de ce changement», a assuré Jada Pinkett Smith (Gloria).

«Mais peu importe qui sera président, nous serons là pour nous moquer de lui. Moi le premier, et même si c’est Obama. J’aimais Bill Clinton mais quand il a trébuché, je n’ai pas hésité à tirer le tapis sous ses pieds», a quant à lui affirmé Chris Rock (Marty).

Sherri Sheppard (mère d’Alex), que l’on peut voir dans 30 Rock, a pour sa part indiqué combien elle était excitée d’aller faire son devoir de citoyenne… «Ce sera la première fois, a-t-elle avoué. Jusqu’ici, j’étais témoin de Jéhovah et les membres de cette religion ne votent pas. Grâce à Barack Obama, je peux regarder mon fils dans les yeux et lui dire que s’il le veut, un jour, il sera président… et le penser vraiment. Cela, qu’il gagne ou pas. Mais il va gagner !»

La voix de la jungle

En ce qui concerne les films d’animation américains, on tient en général pour acquis que les versions anglaise et française seront de qualité équivalente: après tout, les dessins animés sont toujours «doublés» puisque leurs «acteurs» n’ont pas (encore) le don de parole.

En fait lorsqu’il y a débat sur ce sujet, il vise le doublage fait en France — quand celui-ci est teinté d’argot, surtout dans un film visant un jeune public pour qui les «c’est nickel» et «comme d’hab» sont... du chinois. Ç’avait été le cas pour Madagascar. Ce le sera peut-être encore pour Madagascar 2, que DreamWorks a aussi fait doubler dans l’Hexagone. À suivre à la sortie du film.

Mais pour en revenir au travail derrière le micro, il est en fait extrêmement différent pour les comédiens américains engagés par la production même et pour les acteurs mis sous contrat pour faire la version française, peut-on se rendre compte au fil d’interviews réalisées avec les uns et les autres: alors que les seconds évoquent la rapidité et la discipline que ce travail exige d’eux, les premiers parlent «de la liberté et du temps» qu’ils ont pour créer, camper, proposer, nuancer.

Voilà qui, au bout du compte, pourrait faire une différence au final.

«Pour le premier Madagascar, j’étais un peu déstabilisé, je souhaitais être plus souvent derrière le micro en compagnie des autres acteurs faisant partie de la scène, raconte Ben Stiller (Alex). Mais je me suis habitué à la technique et à présent, je m’amuse. J’improvise. Je propose plusieurs interprétations d’une même réplique.»

«Ce travail-là est un exercice extraordinaire pour un acteur: vous n’avez pas de partenaire qui réagit ou répond à vos propos, vous devez donc faire appel à votre imagination», ajoute David Schwimmer (Melman) qui, également réalisateur, pressent les besoins que pourrait avoir la production: «Je vais fournir une bonne dizaine de versions d’une même ligne pour qu’ils aient le choix au montage.»

Chose très possible pour l’acteur «original» puisque, comme le mentionne la productrice Mireille Soria, «nous commençons à travailler avec les comédiens alors que le scénario n’est pas terminé et l’animation, très peu avancée». Rien de coulé dans le béton, donc. Contrairement à la situation que vit l’acteur qui prend le flambeau en français, qui doit, lui, très précisément interpréter le texte traduit défilant sous les images. Pas mal moins de liberté pour ces autres voix de la jungle...

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Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Paramount Pictures DreamWorks)

Madagascar — Escape 2
Africa prend l’affiche le 7 novembre, en anglais et
en français (Madagascar 2)