No London Today: ces trois mots résument l’attente et l’ennui des réfugiés politiques, en transit vers l’Angleterre, qui sont coincés dans le port de Calais, en France. De cet exode, la réalisatrice française Delphine Deloget ne garde que l’humain dans un documentaire original, présenté en ouverture des 11es Rencontres internationale du documentaire de Montréal.

Calais. En France, la ville portuaire est associée malgré elle aux sans-papiers, aux migrants, à ceux qui rêvent de l’Angleterre et attendent, en France, un passage. «On a beaucoup parlé de Sangatte et de Calais il y a quelques années quand le centre qui accueillait les réfugiés a été fermé par Nicolas Sarkozy. Les réfugiés sont maintenant dans le centre-ville, ils se cachent dans le buisson, dans le port. C’est assez kafkaïen, comme situation», explique Delphine Deloget.

Avec ce premier long métrage documentaire tourné à l’été 2006, la jeune femme décide de donner à cette migration illégale un visage, et une voix.

«Quand on parle de l’immigration, on parle soit du sordide, soit du spectaculaire. Il y a finalement très peu de choses sur ces jeunes. Mon film est plus un film sur la jeunesse.» En quelques semaines, la réalisatrice impose sa présence, et celle de la caméra, à plusieurs groupes de jeunes hommes, venus d’Afghanistan, d’Albanie ou d’Érythrée. No London Today montre les moments de blagues, dragues et combines qui ponctuent le quotidien des jeunes hommes, en attendant le grand passage.

«Pour moi, le pari, c’est qu’on s’intéresse à eux. Il ne s’agit pas de chercher des explications sur pourquoi ils sont là. J’ai voulu un film assez léger, parce que dans la situation calaisienne, ils sont complètement eux-mêmes. Les reportages didactiques ou larmoyants nous éloignent de ce qu’ils sont», dit-elle.

Le rythme du film reflète la relation qui se noue peu à peu entre la documentariste et ses protagonistes. D’abord brouillonne la réalisation trouve son rythme et s’apaise au fil des rencontres. «Ce qui fait que le film et la rencontre se font, c’est que je suis là tout le temps. Je ne pose pas de questions, je n’esquive pas leurs questions, leur drague. J’essaie d’être là, souvent.»

Au cours du film, on suit les jeunes hommes évoquer l’aide que peut leur fournir la réalisatrice, ainsi que l’arme de dissuasion que constitue la caméra pour les policiers. «Ça peut créer une ambiguïté. À un moment donné, je transgresse les codes de la réalisatrice, admet-elle. Je glisse du côté de l’amitié. Je suis témoin, et actrice de leur histoire. Mais la caméra est toujours restée mon garde-fou.»

Delphine Deloget refuse de céder au misérabilisme: «On les imagine volontiers aux mains d’un réseau de passeurs. C’est vrai qu’ils veulent quitter leur pays. Pour les jeunes Érythréens, par exemple, leur pays est une prison à ciel ouvert, où ils ont peu de libertés. En même temps, ceux qui émigrent sont ceux qui ont de l’argent, qui sont éduqués.» Le film n’occulte pourtant pas l’improbable dénouement heureux que l’histoire de ces jeunes hommes peut avoir.

«Je ne connais que deux d’entre eux, sur une vingtaine, à avoir obtenu leurs papiers en Angleterre. Les autres n’ont aucun droit, ils espèrent que, s’ils ont des enfants, on va leur donner des papiers.»

Après la fin de son tournage, Delphine Deloget a gardé le contact avec les jeunes Érythréens que son film suit. «Je vais régulièrement les voir en Angleterre. Leur situation est en stand-by, et j’ai envie de les suivre sur du long terme. C’est difficile, aussi, de refaire un film après celui-là. Il y a une relation à recréer, qui n’est ni simple ni évidente», dit-elle.

No London Today est présenté ce soir à la Cinémathèque québécoise, à 21 h.
Tous les renseignements sur les 11es RIDM, qui se poursuivent jusqu’au 23 novembre :
www.ridm.qc.ca