Au lieu de Chers électeurs, Manuel Foglia avoue qu'il aurait aussi bien pu intituler son do­cumentaire Botte-toi le cul, citoyen. Car derrière la démarche du jeune cinéaste se cache surtout le désir d'inciter les gens à voir la politique sous un autre oeil, au-delà des clips des journaux télévisés et des manchettes des journaux.

Pendant quatre ans, l'ex-participant de La Course destination monde a suivi dans leur quotidien la députée libérale de Pontiac, Charlotte L'Écuyer, et le péquiste de Mercier, Daniel Turp, tous deux élus pour la première fois en 2003. On les voit dans leur bureau de comté, au Salon bleu, dans les couloirs de l'Assemblée nationale, regrettant de ne pas avoir le don d'ubiquité pour avoir à remplir les multiples exigences de leur fonction.

«Je me suis découvert un respect pour les politiciens, sans les trouver vertueux, explique Foglia. Je n'ai pas voulu les blanchir. J'y suis allé avec toute ma méconnaissance du monde politique. (...) Ça m'est apparu assez clairement que c'est une vie de fous. Une journée passée avec Daniel Turp, t'as la langue à terre...»

 

 

Indignation

 

Chers électeurs est né d'une «indignation», celle que Foglia a éprouvé alors qu'il travaillait aux communications du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, dirigé à l'époque par le péquiste Robert Perreault. Le fameux «virage ambulatoire» du ministre de la Santé Jean Rochon faisait alors beaucoup de vagues.

 

«Il se faisait planter par l'opposition, par les journalistes, les infirmières dans la rue. Je me suis alors dit : mais comment un ministre aussi brillant, docteur en administration hospitalière de Harvard, pouvait être traité comme un malotru, et être lapidé même par sa propre formation politique.»

 

Seul, avec sa caméra et le soutien de l'Office national du film, Foglia est alors parti explorer la face cachée de la politique, en s'incrustant dans la vie professionnelle des deux députés qui lui ont donné carte blanche pour les filmer, sans aucune censure, «même ça si leur est arrivé de ne plus être capable de me voir...».

 

Le film montre les deux députés passant de longues heures à recevoir les doléances de leurs électeurs, dans leur bureau de comté, et sur les bancs de  l'Assemblée nationale, à naviguer entre les comissions parlementaires et les présences obligatoires en chambre.

 

Mince pouvoir de décision

 

S'il est une chose que Foglia a découvert à travers son expérience de tournage, c'est le pouvoir de décision négligeable des députés. «Tu vas souvent en politique avec l'idée de changer le monde, mais au bout du compte, tu t'aperçois que tu n'en as pas les moyens et que les décisions ne se prennent pas à ton niveau. Les décisions, elles se prennent dans les bureaux des contentieux des ministères, autour d'une table, avec des avocats.»

 

Sans oublier l'«omnipotence» du premier ministre dans le processus. «Je trouve ça assez agaçant. S'il y a une réforme à faire dans le système politique, c'est là. Tous les députés pourraient le dire. Le premier ministre exerce trop d'influence sur le Conseil des ministres. Ces gens font pourtant partie d'une sorte de conseil de sages, ce ne sont pas des deux de pique.»

 

Si Manuel Foglia se pose plein de questions sur le fonctionnement de notre système parlementaire, il est en tout cas certain d'une chose : le boulot de député, la vie parlementaire, la ligne de parti, tout cela n'est pas fait pour lui. «Je serais capable, je ferais semblant pendant un boutte, mais je ne tofferais pas...».