Le père est à New York, le fils en Israël. Le père se moque bien du fils, qu'il a abandonné à sa naissance. Le père, en errance, se veut poète. Le fils, tireur d'élite, veut abattre le père. Restless, d'Amos Kollek, retisse les liens d'un couple père-fils, éclaté entre Israël et New York.

Avec Sue, Queenie in Love ou encore Fast Food, Fast Women, Amos Kollek s'inspirait de New York pour créer ses personnages féminins, toujours, au bord de la crise de nerfs, de préférence. On change complètement d'univers avec l'ivresse et la rudesse de Moshe (Moshe Ivgy), filmé dans la nuit israélo-américaine de Restless.

«J'étais intimidé par les personnages masculins. Je me sentais plus à l'aise avec les femmes, dans les films, mais aussi en général dans ma vie. Mais faire le film, le tourner, n'a pas été si difficile pour moi», explique le réalisateur, au téléphone, à Jérusalem.

On imagine aisément la source d'inspiration qu'a dû être pour le réalisateur, son propre père, emblématique maire de Jérusalem pendant trois décennies et mort il y a à peine deux ans. Amos Kollek concède: «Le sentiment père-fils existait en moi. Non pas que mon père était un homme soûl du soir au matin, à New York. Mais je me reconnais dans la recherche de ce père. C'est très certainement inconscient.»

Moshe, donc, a fui Israël, berceau de ses espoirs déçus. Poète déchu, il hante Shimon's, un bar israélien de New York, tente de séduire une ancienne soldate américaine (Karen Young). Son fils, Tzach (Ran Danker), croit sa vie brisée quand l'armée israélienne le renvoie.

«Je vois trois générations en Israël: celle de mon père, par exemple, qui est arrivée et a créé l'État ici. Bons nombres d'entre eux étaient idéalistes. Ils voulaient croire en Israël, ils sortaient de l'Holocauste. Ensuite, il y a ma génération qui est née en Israël, dans un pays plus normal. Ensuite, une génération est représentée par le jeune homme du film. Je ne sais pas où il va aller», analyse Amos Kollek.

Comme Israël, New York bouillonne. «Tout le monde vient à New York, il y a une énergie incroyable. En Israël, de façon différente, c'est aussi nerveux. D'une façon différente. En Israël il y a beaucoup de pression, mais pas pour les mêmes raisons qu'à New York. Les deux endroits ont quelque chose de très stimulant», explique le réalisateur.

Amos Kollek a vécu plusieurs années à New York avant de se réinstaller à Jérusalem. «Ma fille commençait à s'américaniser. Je me suis dit qu'il fallait vraiment que je rentre, pour qu'elle ne devienne pas américaine.» Le thème du film a aussi été inspiré par ce retour en Israël.

«Et j'ai rencontré cet acteur, Moshe Ivgy (vu dans Munich, de Steven Spielberg), et c'est lui qui m'a parlé de tout ça: il est très célèbre en Israël, mais il vivait dans un tout petit appartement aux États-Unis. Il a fini par rentrer. J'étais réticent à l'idée d'écrire sur Israël, mais le film s'est finalement imposé», dit-il.

Avec Restless, Amos Kollek s'affranchit de la comparaison, facile, faite avec Woody Allen lors de ses premiers succès. Mais il reste l'un des cinéastes «new-yorkais» les plus méconnus aux États-Unis: tourné en anglais, en hébreu, à New York et à Montréal, son plus récent film n'a pas encore trouvé de distributeur aux États-Unis.

«C'est si difficile de suivre le film, avec tous les sous-titres en anglais. Je ne crois pas que ce film a été fait dans une visée commerciale. J'aimerais qu'il sorte aux États-Unis. Mais quelles sont ses chances? Je n'en sais rien. On verra.»

Restless est présentement à l'affiche.