Le monde du cinéma rend hommage à son doyen, le réalisateur portugais Manoel de Oliveira, qui fête vendredi ses 100 ans, salué comme un artiste «libre» et «sans concession» dont l'inaltérable vitalité vient encore renforcer le mystère et la légende.

Primé ces vingt dernières années par les plus grands festivals de cinéma de Berlin, Venise ou encore celui de Cannes, qui lui a remis en mai une Palme d'Or pour l'ensemble de son oeuvre, le plus vieux cinéaste au monde recevra également en janvier un hommage spécial de l'Association des critiques de Los Angeles «pour son extraordinaire contribution au cinéma».

Pour Gilles Jacob, président du festival de Cannes, «Manoel de Oliveira est une légende et un mystère». «D'abord parce qu'il a couvert toutes les époques du cinéma depuis le muet jusqu'à nos jours (...) mais aussi parce qu'il a puisé dans le travail quasi permanent le secret de son incroyable longévité» tout en gardant «une rigueur morale, une modestie et un sens de l'humour tout à fait exemplaires».

Le directeur de la Mostra de Venise, Marco Mueller, a salué en Oliveira «la plus belle anomalie du cinéma contemporain», un «artiste libre, irrévérencieux» dont les films montrent «une recherche constante», dans une déclaration à l'AFP.

Saluant un «esprit coquin, insolent, très cultivé», Serge Toubiana, directeur de la Cinémathèque française, rappelle qu'«il n'y a pas d'autre exemple de cinéaste centenaire qui soit au travail».

«Plus le temps est précieux, plus il se consacre exclusivement à faire des films avec un entêtement et une vitesse d'exécution incroyables, dont bien des jeunes réalisateurs sont incapables», relève l'ancien gérant des Cahiers du cinéma, alors que Manoel de Oliveira tourne actuellement son 46ème long métrage qu'il compte présenter en février à Berlin, avant un autre projet, prévu pour Cannes, en mai.

Manoel de Oliveira est «un génie qui représente la liberté créatrice du cinéma, rompt avec toutes les barrières et tous les dogmes sur ce que doit être le cinéma, déclare la comédienne et réalisatrice portugaise Maria de Meideiros. Il fait ce dont il a envie, avec une liberté maximale. C'est un grand créateur et un exemple pour nous tous».

Pour son acteur fétiche Luis Miguel Cintra, qui a tourné dans 17 de ses films, «toute sa vie, il a su très bien défendre son cinéma comme une oeuvre d'artiste et défendre la liberté de création dans un domaine comme le cinéma qui est tellement dépendant des questions d'argent».

«Il ne fait jamais de concessions quand il travaille et il ne fait que ce en quoi il croit et là est le secret de l'art: ne pas céder aux conventions», renchérit le réalisateur portugais Joao Botelho, qui dans son film Moi l'autre (1980) faisait rejouer Manoel de Oliveira, plus d'un demi-siècle après ses débuts comme figurant dans un film muet.

Au Portugal, où il est pourtant resté longtemps incompris, le cinéaste centenaire recevait cette semaine un hommage national, avec moult réceptions, éditions et émissions spéciales. Jusqu'à l'Eglise catholique portugaise qui, dans un communiqué, a salué «la très haute signification humaine et artistique d'un parcours où la quête de sens et l'horizon de la transcendance sont toujours présents».

Vendredi soir, jour «officiel» de l'anniversaire de Manoel de Oliveira, né en réalité le 11 décembre 1908 mais déclaré à l'état-civil seulement le lendemain, une fête privée devait réunir amis du cinéma et collaborateurs dans sa ville natale de Porto.

Samedi soir, le cinéaste sera reçu à dîner par le chef de l'État Anibal Cavaco Silva, après une cérémonie au cours de laquelle il sera décoré de la Grand-Croix de l'Ordre de l'Infant Dom Henrique.