Qu'ont en commun Robert Lepage, le Ballet National du Canada ou encore le Royal Opera de Londres? Le cinéma! Deux ans après son arrivée dans les salles obscures, la popularité de l'opéra au cinéma ne se dément pas.

En janvier, les Québécois pourront découvrir La rondine de Puccini dans une mise en scène de Nicolas Joël, Orfeo ed Euridice de Gluck dans une mise en scène de Mark Morris et, en reprise, La damnation de Faust de Berlioz dans une mise en scène de Robert Lepage. Tout ça chez eux... ou presque.

Partenaire depuis l'hiver 2006 du Metropolitan Opera de New York (le MET), la compagnie Cineplex peut se vanter d'avoir lancé en grande première une tendance aujourd'hui reprise tant par les cinémas indépendants - Ex-Centris, Beaubien, entre autres - que par certains cinémas Guzzo, parmi lesquels le Mégaplex Marché central de Montréal: la présentation d'opéras au cinéma.

«Cela a dépassé, de loin, nos attentes. Je crois que les gens du MET ont aussi atteint leurs objectifs. L'opéra accroît sa présence tant dans nos salles que dans notre programmation», se félicite Pat Marshall, vice-présidente aux communications de Cineplex, qui refuse toutefois de dévoiler sa programmation pour les prochains mois.

En 2007, les cinémas Cineplex ont présenté six opéras du MET. Pour la saison en cours, 11 représentations en direct, assorties de 10 reprises, prennent l'affiche dans les salles de Cineplex. Fidèle, le public des opéras a même manifesté son intérêt pour l'achat de billets sous forme d'abonnement.

«Ce que l'on voit, c'est qu'une nouvelle population vient à nos opéras, et je pense que nous avons réalisé cela très tôt. Il y a notamment des personnes âgées qui avaient abandonné le cinéma depuis longtemps: elles sont les premières étonnées de voir ce qu'on fait», explique Pat Marshall.

Plus âgée, plus cultivée aussi, cette nouvelle clientèle est aussi, depuis le printemps, sollicitée par un regroupement de 15 salles de la province - Guzzos, Beaubien et indépendants -, qui programment des représentations de la Scala de Milan, mais aussi des opéras de Venise, de Florence ou du Festival de Salzbourg.

«On se met à marcher... et, bientôt, à courir, plaisante Mario Fortin, président-directeur général du Cinéma Beaubien. On finit la saison et on a augmenté nos représentations à 15 salles. Nous avons étendu nos partenariats à d'autres salles européennes, et nos recherches ne sont pas terminées.»

Pas d'effet néfaste

La tendance n'inquiète pas l'Opéra de Montréal. «Je vois ça de façon très positive: c'est une très belle façon d'apprivoiser un nouveau public pour une vingtaine de dollars, et voir une diffusion du MET, ça donne une vue d'ensemble», estime le directeur artistique de l'Opéra de Montréal, Michel Beaulac.

M. Beaulac a lui-même assisté à certaines des représentations du MET à Montréal. «Il y a des atouts et il y a des failles» à ce mode de diffusion, selon lui. «Il y a tout l'impact de la communication avec le public qui ne se fait pas dans les salles de cinéma. On est vraiment seul, au cinéma. Devant leur public, les chanteurs nous disent qu'ils ressentent l'énergie des spectateurs, l'émotion dans la salle. Ce sont des éléments précieux d'une représentation d'opéra que l'on n'a pas au cinéma.»

Aux Grands Ballets canadiens, on affirme que la diffusion des spectacles dans les salles de cinéma - comme le fait le Ballet national du Canada - n'est pas une priorité. «Notre priorité, c'est d'amener les gens au spectacle, vivre des émotions au contact des danseurs», dit le directeur général de l'institution montréalaise, Alain Dancyger.

Rien, dit-il, ne peut remplacer le spectacle vivant.

«Les films sur le ballet sont une oeuvre en soi», soutient M. Dancyger. Les représentations de Casse-Noisette, des Grands Ballets, ne souffrent pas de la concurrence, au cinéma, du Nutcracker du Ballet national. «Cela n'a aucun impact, ce n'est pas la même expérience et ce n'est pas le même public», dit-il.

Chose certaine, la diffusion de ballets et d'opéras dans les salles obscures est une tendance qui devrait se maintenir. «Il faut être conscient de ce qui nous attend», juge Marie-Christine Picard, programmatrice d'Ex-Centris, qui présente les spectacles du Royal Opera de Londres. «On est tous obligés de s'ouvrir. Il faut créer l'événement sans arrêt, se diversifier, et l'opéra entre dans ce contexte-là.»

INFO: cineplex.com; operademontreal.com; grandsballets.com