Dans Serveuses demandées, Guylaine Dionne (Le fantôme des trois Madeleine) se penche sur le sort des femmes qui passent, malgré elles, à la clandestinité et l'illégalité. Entre un bar de danseuses et des galères, Guylaine Dionne imagine la rencontre entre une jeune Brésilienne et une jeune Québécoise.

Il est question de papier dès le début de Serveuses demandées. Immigration, expiration de visa d'études, expulsion : Guylaine Dionne n'hésite pas à aborder une réalité peu connue des Québécois, celle des étudiants étrangers qui cherchent à convertir un visa d'études en permis de travail une fois leur diplôme en poche.

Enseignante en cinéma à Concordia, la réalisatrice et scénariste s'est inspirée de cas d'étudiants qui choisissent parfois, à défaut d'avoir une situation régulière au Canada, l'illégalité. « Le visage du Québec a changé, et il faut vivre avec ça «, justifie la réalisatrice, accompagnée, pour les entrevues, du politologue Frantz Voltaire.

« Ces étudiants vont faire du travail au noir, ils ont commis des actes illégaux, alors ils sont pris dans des engrenages «, décrit Guylaine Dionne, qui a étudié la question pendant plusieurs années, auprès de danseuses, travailleuses au noir, et anciennes immigrées clandestines, aujourd'hui régularisées.

Documentariste (Mary Shelley), Guylaine Dionne a toutefois préfère raconter par la fiction ces destins de femmes. « C'est un sujet presque impossible à faire en documentaire, dit-elle. La fiction, aussi touche plus de gens. J'ai essayé d'être fidèle à la réalité et d'amener les gens à la réflexion. »

La thématique de l'immigration sert donc de point de départ à la rencontre entre Milagro (Clara Furey), une jeune Québécoise, danseuse de la boîte l'Élixir, et Priscilla (Janaina Suaudeau), jeune diplômée brésilienne sans statut valide au Canada qui se résout, un peu malgré elle, à commencer la danse. Une relation fusionnelle et ambiguë se noue alors entre elles.

« Le film parle beaucoup de ces deux femmes, de ce qui se passe entre elles. C'est plus un film sur les relations humaines. On comprend que les filles n'ont pas de papiers, on sent la violence autour d'elles, mais le film ne fait pas de commentaires », dit de son côté Clara Furey.

Plus connue pour ses performances en danse (elle sera au prochain Festival d'Avignon avec Lynda Gaudreau), Clara Furey fait avec Serveuses demandées sa deuxième incursion au cinéma après CQ2, réalisé par sa mère, Carole Laure. « Ma force, c'est ma présence physique. On voulait, avec Guylaine Dionne, un corps qui parle », dit Clara Furey.

Clara Furey a créé les chorégraphies de Milagro. « Je suis allé voir des danseuses, et j'ai fait ce que je ferais si j'avais à danser pour vrai, dit-elle. Durant le tournage, je savais que ces scènes ne seraient pas esthétisées : on travaille sur un milieu cheap, mais je respecte beaucoup le film pour ce côté documentaire, authentique. »

La réalisatrice Guylaine Dionne se vante d'avoir réussi à filmer les danseuses nues sans poser sur elle un regard sexuel. « On en donne juste assez : c'est assez pudique », dit-elle. Anne Dorval, qui interprète la mère de Milagro, partage cet avis. « C'est assez rare que l'on filme ces scènes sans voyeurisme », dit la comédienne.

Les trajectoires de ces deux femmes se croisent alors qu'elles ont des aspirations tout à fait contraires : l'une veut s'installer pour de bon à Montréal, l'autre ne rêve que de s'évader au Brésil. « Milagro et Priscilla ont des rêves brisés. Elles ont des rêves complètement opposés ; c'est pourtant le point de départ du scénario », constate Guylaine Dionne.

En dépit d'une toile de fond sociale, de l'onirisme mélancolique des paysages d'hiver sans fin du Bas-du-Fleuve, Guylaine Dionne finit son film sur une note plus optimiste. Ce qui fait de Serveuses demandées, d'après Anne Dorval, un film « très nuancé, très touchant, très poétique ».