Ex-Centris cessera sa programmation cinéma en salle le 20 mars. Et selon Daniel Langlois, son président-fondateur, c'est malgré tout une bonne nouvelle. «C'est une perte mais aussi un gain, car cela nous permettra de présenter d'autres types de contenus», résume-t-il.

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Près de 10 ans après la fondation du complexe, Daniel Langlois souhaite enfin en réaliser le mandat initial: servir de véritable centre de diffusion multidisciplinaire, axé sur les nouvelles technologies.

«Quand j'ai dessiné les trois salles, en 1996, c'était dans le but d'y présenter des oeuvres diversifiées. Pas seulement du cinéma», explique-t-il.

Il veut maintenant exploiter les possibilités offertes par ses salles avec d'autres types d'oeuvres, comme des performances interactives de théâtre ou de musique. «La Cassavetes (la plus grande salle) possède un large écran, monté sur une plateforme qui se déplace. Cela permet de dégager une scène assez grande pour un spectacle, tout en incluant des projections HD ou multimédia. Ces possibilités, on s'en est seulement servi à quelques reprises comme durant le festival Mutek», raconte-t-il.

«Quant à notre deuxième salle, la Fellini, les sièges sont montés sur une plateforme hydraulique, poursuit-il. Ils sont escamotables. En 20 minutes, on peut la transformer en grande boîte noire pour montrer des performances multimédias interactives, par exemple de théâtre.»

Mais pourquoi cesser complètement la programmation cinéma en salle pour favoriser de tels projets? «C'est un problème de distribution, répond-il. Quand on accepte de présenter un film, il faut normalement le faire sept jours sur sept. L'industrie fonctionne comme cela partout. Je comprends la logique des distributeurs. Mais moi, ça m'empêche de libérer les salles pour tous ces autres projets qui m'intéressent.»

Une période de transition est prévue pour reconfigurer les salles et ajouter de nouveaux équipements. On sait déjà que la troisième salle, celle qu'utilisait le Cinéma Parallèle, perdra son écran. Pour le reste, M. Langlois refuse de donner plus de détails. «Tout ce que je peux dire, c'est que chaque espace d'Ex-Centris sera utilisé dans la nouvelle programmation. Même le grand hall.»

Cette nouvelle programmation devrait être dévoilée vers la fin mars, et commencer vers la fin de l'été. Le cinéma n'en disparaîtra pas complètement. Il devrait compter pour environ 10 % de la nouvelle programmation, selon M. Langlois. Il s'agira de festivals ou de présentations spéciales. «Avec nos nouvelles salles, voir un film deviendra une véritable expérience.» Les 52 employés (six à temps plein) d'Ex-Centris perdent leur emploi.

Pas pour l'argent

Le mécène insiste sur une chose: s'il met fin à la programmation cinéma régulière, ce n'est pas pour une question d'argent. La rentabilité n'a jamais été un objectif d'Ex-Centris. «Si j'avais voulu faire de l'argent, j'aurais vendu du popcorn et du Coke comme les autres salles, lance-t-il. J'ai contribué des millions de dollars de ma propre poche pour maintenir une programmation d'auteur et créer une expérience de cinéma différente. Des millions de dollars non pas investis dans les installations et les infrastructures, mais plutôt en salaires de placiers, de guichetiers et de frais d'opération et de programmation.»

Le taux de fréquentation des trois salles en 2008 (plus de 21 %) dépasse largement la moyenne canadienne. Malgré tout, Ex-Centris n'a presque jamais fait d'argent, rappelle-t-il. Son fondateur couvrait personnellement les pertes. Des pertes croissantes, car les dépenses augmentaient alors que le prix des billets stagnait. «Mais ces pertes n'expliquent pas la fin de la programmation régulière de cinéma», répète-t-il.

D'ailleurs, avec la nouvelle programmation qui s'annonce plus pointue, Daniel Langlois ne s'attend pas à attirer un plus vaste public. «J'imagine que certains projets exploratoires ne seront absolument pas rentables. D'autres pourraient avoir des aspects commerciaux intéressants, même si ce n'est pas l'objectif principal.»

Le milieu déçu

Les nombreux distributeurs, producteurs et réalisateurs joints par La Presse regrettaient tous la disparition du cinéma dans «les meilleures salles de Montréal». Hier soir, le groupe Facebook «Sauvons l'Ex-Centris» comptait déjà près de 2000 membres.

«Ex-Centris a beaucoup aidé à développer le cinéma d'auteur. Mais son départ laisse un important trou. Et dans le contexte économique actuel, je ne suis pas optimiste que quelqu'un le comble bientôt», avance Patrick Roy, PDG du distributeur Alliance Vivafilm.

«La contribution de Daniel Langlois au cinéma d'auteur a été immense», observe Nicolas Girard Deltruc, directeur général du Festival du nouveau cinéma, dont Ex-Centris est partenaire. «Un cadeau au cinéma d'auteur et à Montréal a été fait, estime M. Langlois. Il a duré 10 ans. Plusieurs l'apprécient et me remercient. D'autres pas. À chacun de tirer ses conclusions.»