Sur le thème du duo féminin, Rafaël Ouellet (Le cèdre penché) aborde dans Derrière moi les amitiés maléfiques ou les mauvaises fréquentations de Léa, une jeune fille à l'intelligence naïve livrée malgré elle à l'ambivalente Betty. Derrière moi est, pour le jeune réalisateur, une incursion dans un nouvel univers, entre deux femmes, entre la ville et la campagne.

D'abord contemplatif, Derrière moi s'ouvre sur l'été de Betty (Carina Caputo), parachutée en pleine campagne. Betty est seule, elle s'ennuie et se cherche des amis. La rencontre avec Léa (Charlotte Legault) concentre le récit sur la fascination qu'éprouve Léa pour Betty. La nuit montréalaise apportera un nouvel éclairage à leur relation, lors d'un dénouement cruel et coup de poing.

Rafaël Ouellet se défend d'avoir construit Derrière moi comme un film à suspense. «C'est un film sur le mystère plus que sur le suspense. Le but, c'est plus de garder le mystère, de se poser des questions, de garder une porte, à la fin, pour que les gens amènent leur propre histoire. Pendant tout le voyage, le spectateur peut se faire son film. (...) Si la fin a un effet-choc, tant mieux», précise le réalisateur.

Rafaël Ouellet cite, parmi ses sources d'inspiration, la traite des femmes - un sujet qui a inspiré de façon plus ou moins heureuse un certain nombre de films récemment. «Je lisais le livre de Victor Malarek (The Natashas: Inside the Global Sex Trade, 2003), et j'étais déprimé. Ce qui m'a happé, là-dedans, c'est vraiment l'aspect local du phénomène», dit-il.

Au cours de la scénarisation du film, Derrière moi a laissé une grande place aux échanges entre Léa et Betty. Filmé en plein été, dans la région du Bas-Saint-Laurent, Derrière moi peut évoquer My Summer of Love, de Pawel Pawlikowski. «Des films sur l'adolescence, il y en a eu plein, mais je voulais m'attacher à ces personnages», explique Rafaël Ouellet.

Derrière moi joue sur les antagonismes. L'une est blonde, l'autre est brune, l'une est naïve, l'autre est manipulatrice, l'une est vierge, l'autre étale ses conquêtes. Rafaël Ouellet donne ensuite à ses personnages des zones d'ombre: Léa quitte le blanc pour le noir, Betty, elle, révèle une fragilité cachée sous une bonne dose de vulgarité.

«C'est par nécessité: si Léa avait trop ressemblé à Betty, il y aurait eu moins de choses à raconter. Léa est assez pure, talentueuse, indépendante d'esprit, justifie Rafaël Ouellet. Oui, la dualité est là, mais il fallait aussi que je leur donne un bout de chemin à faire.»

De la même façon, les gratte-ciels et souterrains de Montréal offrent un contrepoint à la tranquillité de la campagne. «La campagne, pour moi, n'a rien de nécessairement naïf ou idyllique, mais il y a moins de pièges à la campagne qu'en ville. Il y a un côté frénétique à la ville qui fait que l'on peut ne pas mesurer l'ampleur de nos gestes», croit le réalisateur, qui a tourné le film dans son village d'enfance, Dégelis.

C'est aussi à Dégelis que Rafaël Ouellet avait tourné son premier et très indépendant long métrage, Le cèdre penché, avec Viviane Audet et Marie-Neige Chatelain. Derrière moi a toutefois été produit avec le soutien des institutions publiques pour le secteur indépendant. «J'avais des craintes, je me demandais ce que l'on allait m'imposer. Honnêtement, la liberté est totale. Pour le secteur indépendant, c'est merveilleux», soutient-il.

Présenté au Festival international du film de Toronto, au Festival du nouveau cinéma et à San Sebastian, Derrière moi ira prochainement à Buenos Aires. Rafaël Ouellet espère obtenir le soutien de la SODEC et de Téléfilm pour son prochain long, Camions, qui sera produit par la Coop Vidéo. Il n'en délaisse pas pour autant les films très indépendants puisqu'il monte actuellement New Denmark, un long métrage tourné cet été avec à peine 12 000 $.