Les documentaristes du Québec et d'ailleurs au pays s'en réjouissent: l'Office national du film a entrepris de sabrer ses dépenses administratives pour réinvestir ces fonds dans la production cinématographique.

«Je viens du privé, explique le président de l'ONF, Tom Perlmutter, en entrevue à La Presse. Je ne suis pas arrivé au poste que j'occupe par ambition. Ça me donne la liberté d'agir où je crois que c'est nécessaire. Ma priorité, c'est la production et l'accessibilité. Tous les ans, nous allons réallouer 5 % des coûts administratifs à la production et à la diffusion.»

Depuis quelques années, les coûts administratifs de l'organisme avaient atteint 70% contre 30 % pour la production et la diffusion. À la tête des services français, Monique Simard, a donc carte blanche pour faire ce grand virage.

«On n'y arrivera pas, dit M. Perlmutter, en faisant les choses de la même façon. L'ONF c'est l'innovation. On doit utiliser la structure qui va nous amener là.»

Le programme français est une pierre angulaire de l'ONF, ajoute-t-il, «mais qui a souffert», en raison de nombreux changements à la direction.

«Monique a beaucoup de talent, estime M. Perlmutter. C'est une femme passionnée par le cinéma et la culture. Elle a surtout, je crois, le talent pour gérer les budgets et les mettre dans la production. C'est la meilleure personne pour faire ce qu'on a à faire.»

L'ONF a déjà annoncé le remplacement de la structure du Studio du Québec par la création de deux postes de producteur principal. Un nouveau programme de cinéastes en résidence sera lancé en avril prochain et permettra à deux réalisateurs de travailler à l'ONF. Également, l'institution signera moins de films en tant que coproducteur.

«On ne fera pas des coproductions simplement pour faire des coproductions. Nous ne sommes pas Téléfilm, ni une boîte de financement, rappelle M. Perlmutter. On est prêts à faire du partenariat avec des gens qui partagent nos valeurs de création, d'imagination et d'engagement social.»

L'ONF a toujours été aux premières loges des grands rendez-vous technologiques. Dans les années 50, le cinéma direct a été rendu possible par l'utilisation de caméras plus légères et du son synchronisé. Aujourd'hui, l'ONF est débarqué sur le web en mettant en ligne plus de 700 productions. Il a réussi ce tour de force avec un budget de 1,3 million pris à même des coupes dans l'administration.

«En Grande-Bretagne, note-t-il, on a mis 50 millions de dollars sur la numérisation de la collection nationale. On est en retard au Canada, mais c'est important d'avoir commencé par ce projet.»

Invisibilité

En 2004, alors au programme anglais, Tom Perlmutter a fait une tournée des bureaux de l'ONF à la grandeur du pays. Il en était revenu abasourdi.

«J'ai été surpris par l'invisibilité de l'ONF, avoue-t-il. Encore plus par le fait que des gens me demandaient si l'ONF existait toujours. C'était presque tragique. Il faut faire voir nos films et nos créateurs, parmi les meilleurs au monde. L'ONF appartient aux gens.»

Avec 123 000 productions en 70 ans d'histoire, l'ONF possède un coffre à images unique au monde sur ce qu'est le Canada et les gens qui l'habitent.

«C'est aussi important pour moi, dit Tom Perlmutter, qu'on devienne le meilleur laboratoire de création dans le monde, pas seulement au Canada. On veut attirer à l'ONF les meilleurs talents.»

Pour y arriver toutefois, le président sait très bien que les crédits de l'ONF accordés par le gouvernement devront être révisés à la hausse.

«Depuis les coupes en 1996, l'ONF a perdu un pouvoir d'achat de 10 à 20 %. On ne peut pas continuer comme ça», conclut-il.