Comment vivre avec le poids de l'Holocauste, et parmi les ex-agents de la «solution finale», c'est le dilemme au coeur du film The Reader montré vendredi à la Berlinale, où un lycéen découvre l'amour avec une ex-gardienne de camp de concentration jouée par Kate Winslet.

Adapté d'un roman à succès de l'Allemand Bernhard Schlink et déjà sorti en salles dans une demi-douzaine de pays depuis début janvier, The Reader est montré hors compétition au festival (5-15 février).

Thème marquant de cette Berlinale, le passé nazi de l'Allemagne est aussi au coeur d'Adam ressuscité de Paul Schrader, avec Jeff Goldblum, et de John Rabe de Florian Gallenberger, eux aussi hors compétition.

Auréolée de sa nomination à l'Oscar de la meilleure actrice - The Reader est en lice pour cinq des statuettes remises le 22 février à Hollywood - la star Kate Winslet est apparue rayonnante, aux côtés de son partenaire Ralph Fiennes.

Signé par le Britannique Stephen Daldry - réalisateur de The Hours qui a valu un Oscar à Nicole Kidman en 2002 - The Reader raconte l'histoire d'un homme marqué à vie par une liaison.

Élevé dans l'Allemagne de l'après-guerre au sein d'une famille bourgeoise ordinaire, Michael n'a que quinze ans lorsqu'il rencontre Hanna, de vingt ans son aînée, une femme du peuple aux manières rudes qui devient son amante.

Après des semaines d'une liaison où le garçon en culottes courtes lui lit Homère, Mark Twain ou Anton Tchekhov en guise de préliminaires amoureux, Hanna disparaît, laissant Michael en plein désarroi.

Devenu étudiant en droit huit ans plus tard, il découvre, au tribunal, son amour de jeunesse jugé pour avoir été gardienne d'un camp de concentration.

Si Daldry passe avec fluidité des années 1950 aux années 1980 et évoque avec finesse le désespoir amoureux de Michael, il achoppe en revanche sur l'enjeu majeur du film: suggérer les raisons du comportement monstrueux de l'héroïne.

Car le mystère de la «banalité du mal» - selon la célèbre formule d'Hannah Arendt - ou l'insensibilité des milliers d'agents anonymes qui servirent la «solution finale» en s'acquittant de leur tâche sans états d'âme, reste entier.

Pour le quotidien berlinois Tagesspiegel, le jeu de Kate Winslet est «l'évènement» d'un film qui «comme le roman, renonce avec intelligence à toute reconstitution de l'époque nazie» pour se contenter de suggérer l'horreur.

«Ce rôle était très compliqué pour moi, j'ai ressenti une énorme responsabilité, je voulais rendre hommage au roman», a déclaré Kate Winslet.

«J'aurais eu tort de prendre la responsabilité d'essayer d'humaniser Hanna, mais je devais en faire un être humain, une femme capable d'amour, de vulnérabilité et d'un certain courage», a-t-elle dit à la presse.

«Le fait qu'elle soit illettrée et l'incroyable honte qu'elle en éprouve, nous informe sur ce qu'elle est. Sa culpabilité, elle en prend conscience pendant son procès et en prison».

La compétition, où 18 films concourent pour l'Ours d'or, a démarré vendredi avec Little Soldier, un drame social réaliste plutôt bien écrit mais à la réalisation sans surprises.

La Danoise Annette K. Olesen y dresse le portrait de Lotte (Trine Dyrholm), une femme soldat de retour après une traumatisante mission à l'étranger.

Fauchée, elle accepte de travailler comme chauffeur pour son père proxénète, et s'attache à Lily (Lorna Brown) la jeune Nigériane qu'elle mène d'un client à l'autre.

Le Français François Ozon a aussi dévoilé Ricky, le portrait d'un bébé ailé, un mariage osé et plutôt réussi de réalisme et de merveilleux.