Malgré son immensité, la salle du Grand Hyatt Hotel n'était pas assez grande hier pour accueillir tous ceux qui voulaient assister à la conférence de presse de l'équipe de Chéri. Ce film britannique, tourné en France, est un événement à plus d'un titre.

D'abord, il s'agit de la nouvelle offrande de Stephen Frears, trois ans après le triomphe de The Queen. Ensuite, Chéri, présenté ici en compétition, marque les retrouvailles du cinéaste avec l'auteur scénariste Christopher Hampton, 20 ans après leur mémorable collaboration sur Dangerous Liaisons. Surtout, cette nouvelle adaptation du célèbre roman de Colette met en vedette Michelle Pfeiffer, l'inoubliable Madame de Tourvel d'il y a deux décennies déjà.

Du bien beau monde pour un film de très belle tenue, dont le principal attrait réside dans les dialogues, d'une exquise ironie. D'autant plus que Kathy Bates, qui joue le rôle d'une aristocrate agitée, livre ici une performance étonnante. Le récit étant axé sur une liaison amoureuse sans issue entre une courtisane frisant la cinquantaine (Michelle Pfeiffer), et un jeune homme de 19 ans dans le Paris de la Belle Époque, il fut évidemment beaucoup question d'âge au cours de cet échange avec les journalistes. Particulièrement au regard des actrices qui travaillent à Hollywood.

«Ce n'est pas aussi dramatique qu'on le croit, a commenté Michelle Pfeiffer. Quand on s'apprête à franchir une étape, ce fut la cinquantaine dans mon cas, on appréhende évidemment le passage. Or, ça ne se passe pas si mal en réalité. Sur le plan professionnel, il est vrai qu'il y a moins de rôles intéressants pour les actrices plus mûres, mais je crois que c'est le cas pour toutes les générations, surtout quand, comme moi, on est plus attiré vers les rôles de composition. C'est pourtant en vieillissant qu'on peut composer des personnages plus intéressants. Et puis, il y a aussi le fait que, rendu à un certain âge, on ne veut pas nécessairement travailler tout le temps!»

L'actrice était en tout cas heureuse de retrouver les artisans de Dangerous Liaisons, un film marquant dans sa carrière. Elle ne cache pas avoir quand même trouvé l'exercice difficile.

«Les dialogues de Christopher sont brillants, mais leur densité fait en sorte qu'il faut travailler dur pour les livrer de façon naturelle, a-t-elle expliqué. Kathy et moi étant les seules Américaines sur le plateau, peut-être avions-nous plus de difficulté que les autres à cet égard!»

Fidèle à Colette

De son côté, le scénariste Christopher Hampton, qui affirme être un grand admirateur de Colette, a tenté de préserver l'esprit du roman. «Il m'importait d'être fidèle à son oeuvre, d'autant plus qu'elle avait déjà tiré une pièce de son roman, de même que le scénario d'un film dans les années 50.»

C'est à la faveur d'un déjeuner entre amis que Hampton a soumis le scénario de Chéri à Stephen Frears, à un moment où le projet n'allait nulle part. «Je n'avais même pas pensé à le lui soumettre, car je connais très bien Stephen, ajoute le dramaturge. J'étais certain que ce script ne l'intéresserait pas du tout!»

Stephen Frears, qui n'a pas cessé de lancer d'irrésistibles boutades pendant cette conférence de presse, fut, au contraire, séduit au point de vouloir signer la réalisation de ce film. Le cinéaste estime cependant que le dosage était difficile à trouver. «Il y a ce milieu aristocratique du début du XXe siècle, qui n'existe plus. Il fallait ainsi faire honneur au caractère ironique de l'histoire, sans en négliger l'aspect dramatique.»

Quand un journaliste évoque des similitudes entre Dangerous Liaisons et Chéri, Frears se rebiffe: «Ça ne peut pas du tout être semblable, John Malkovich n'est même pas là!»

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