Forever Enthralled : culturellement opaque

Le cinéaste chinois Chen Kaige, lauréat de la Palme d'or à Cannes il y a 16 ans grâce à Adieu ma concubine, propose sa plus récente fresque dans la compétition de la Berlinale. Forever Enthralled relate le parcours de Mei Lanfang, une légende de l'Opéra de Pékin qui, en son temps, a soulevé les passions. Issu d'une époque où les femmes n'avaient pas le droit d'assister au spectacle, encore moins d'en faire partie, Mei Lanfang (Leon Lai) était spécialisé dans les rôles féminins. Sa beauté androgyne constituait un grand atout, tout autant que son sens de l'interprétation. Fidèle à son habitude, Chen Kaige offre ici un film somptueux, mis en scène de façon précise et rigoureuse. Hélas! les références culturelles semblent tellement opaques au public occidental que le film distille vite l'ennui. D'autant plus qu'il est ponctué de nombreux numéros musicaux... Plusieurs spectateurs ont quitté la salle.

London River : L'ode de Bouchareb à la tolérance

En dévoilant hier son nouveau film, inscrit dans la compétition officielle, le cinéaste français Rachid Bouchareb a déclaré que London River ne portait pas sur les attentats de Londres, mais plutôt sur la rencontre entre deux cultures qui se méfient l'une de l'autre. Dans ce film en forme de fiction documentée, le réalisateur d'Indigènes s'attarde à décrire les recherches qu'entreprend une femme (remarquable Brenda Blethyn) pour retrouver à Londres, en juillet 2005, sa fille étudiante dont elle est sans nouvelles. Sur son parcours, elle tombera sur M. Ousmane (Sotigui Kouyate, Little Senegal), Africain et musulman, père, apprendra-t-elle, du petit ami de l'étudiante, lui aussi disparu. D'incompréhensions en préjugés («Pourquoi diable ma fille voulait-elle apprendre l'arabe? Qui veut apprendre l'arabe?»), d'indices de plus en plus inquiétants jusqu'au dénouement fatidique, ces deux êtres vont apprendre à se connaître dans une histoire qui, pour touchante qu'elle soit, s'enfarge quand même un peu dans son aspect trop volontairement pédagogique.

Stephen Frears: Pourquoi faire compliqué?

Le réalisateur anglais n'a pas manqué de dérider l'auditoire qui assistait à la conférence de presse de l'équipe de Chéri en balayant d'un revers de main toutes les explications «savantes» que certains journalistes avançaient à propos de son film. À l'un de ceux qui lui demandaient s'il s'était inspiré de tableaux de peintres hollandais pour composer ses images opulentes, Frears a répondu que jamais des trucs pareils ne lui avaient traversé l'esprit. «Je plante la caméra où je peux et je filme ce qu'il y a devant!, a-t-il dit. Vous savez, je proviens d'un pays qui est en faillite. Nous n'avons plus de moyens!» Le film étant par ailleurs coproduit par une société allemande, une journaliste voulait soutirer des commentaires du cinéaste à propos du tournage en Allemagne. «Je n'ai rien tourné du tout en Allemagne; nous avons tourné des scènes dans un studio à Cologne! Je ne peux rien vous dire à propos de l'Allemagne, mais je peux en revanche affirmer que le studio était très bien!»

La course se resserre

Les trois films présentés en compétition hier n'étant pas encore évalués par le groupe de critiques que sonde quotidiennement le magazine Screen, deux candidats se détachent pour l'instant. Le film iranien About Elly (Asghar Farhadi) se maintient toujours en tête (cote de 2,6) mais le vibrant The Messenger (Oren Moverman) vient l'y rejoindre avec la même cote. On remarque par ailleurs une légère remontée de Rage (Sally Potter), qui a maintenant une cote de 1,1. C'est dire que Mammoth, le film ambitieux de Lukas Moodysson, ferme maintenant la marche avec un maigre 0,9.