Quinze des dix-huit longs métrages inscrits en compétition officielle ayant maintenant été présentés à la Berlinale, on se demande franchement comment le jury, présidé par Tilda Swinton, parviendra à composer un palmarès.

Aucun des films n'a encore suscité de véritables élans d'enthousiasme. Rachid Bouchareb a toutefois marqué des points avec London River, une «fiction documentée» dans laquelle une femme et un homme issus de culture et de religions différentes partent à la recherche de leurs enfants disparus à Londres, peu après les attentats de 2005.

Malgré son aspect un peu trop pédagogique, le nouveau film du réalisateur d'Indigènes s'est hissé hier en tête du palmarès d'un groupe de critiques internationaux réunis dans le journal spécialisé Screen, loin devant les autres candidats. Le Chéri de Stephen Frears a reçu, de façon générale, un bon accueil aussi, mais il est clair que la nouvelle collaboration entre le cinéaste et le dramaturge Christopher Hampton n'aura pas la même résonance que celle obtenue il y a 20 ans grâce à Dangerous Liaisons.

Bouchareb et Frears mis à part, tous les gros noms ont déçu. François Ozon a laissé les festivaliers perplexes devant Ricky, une histoire de bébé volant; Bertrand Tavernier n'a pas vraiment convaincu non plus avec son film noir louisianais In the Electric Mist; et Chen Kaige est arrivé ici avec Forever Enthralled, un film opaque sur le plan culturel, truffé de références que n'arrivent pas à décoder la plupart des spectateurs occidentaux.

Sally Potter a de son côté fait enrager les festivaliers avec un exercice de style creux et prétentieux, justement intitulé Rage. Le cinéaste suédois Lukas Moodysson a par ailleurs provoqué la déception la plus vive avec Mammoth, un film dont les têtes d'affiche sont Gael Garcia Bernal et Michelle Williams. La projection de presse s'est même conclue sur des huées bien senties, chose rarissime à Berlin.

Seuls le maître polonais Andrzej Wajda et le cinéaste anglais Richard Loncraine peuvent désormais encore sauver la mise du côté des vétérans. Tatarak, qui met en vedette la grande Krystyna Janda, et My One and Only, dont les têtes d'affiche sont Renée Zellweger, Kevin Bacon et Chris North, seront présentés aujourd'hui et demain.

Le jury devra-t-il alors se tourner vers les nouvelles voix? Une chose est certaine, des films comme Little Soldier (Annette K. Olesen), Gigante (Adrian Biniez), About Elly (Asghar Farhadi) et The Messenger (Oren Moverman) ont jusqu'ici créé les plus fortes impressions.

Deux axes différents

À ce tableau s'ajoute aussi Katalin Varga, premier long métrage de l'Anglais Peter Strickland. Le cinéaste habitant Budapest depuis plusieurs années, il propose ici un film qui s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la cinématographie hongroise. Le récit s'articule autour du périple qu'entreprennent une femme (Hilda Peter, très certainement candidate aux prix d'interprétation) et son jeune fils après avoir été chassés de la maison familiale.

Le mari de Katalin ayant appris l'existence d'un épisode déshonorant dans le passé de sa femme, il se fait un point d'honneur de bannir cette dernière du village, de même que leur enfant. Tout le film repose ainsi sur la quête d'une femme en confrontation avec son passé, entraînant avec elle les responsables de son malheur. Katalin Varga se distingue en outre par une facture très sobre, laquelle accentue les éléments dramatiques. Le jeu très dépouillé des acteurs et les images, âprement belles, donnent à l'ensemble une force indéniable.

Cette approche ne pouvait en tout cas être plus à l'opposé que celle qu'emprunte Mitchell Lichtenstein dans Happy Tears, l'autre film présenté hier en compétition. S'inscrivant dans le courant du cinéma américain indépendant, cette comédie dramatique met en vedette Parker Posey, Demi Moore, Rip Torn et Ellen Barkin. Les ressorts dramatiques tournent autour de l'histoire d'une famille déjantée, dans laquelle les rapports entre soeurs sont passionnels.

L'auteur cinéaste pèche ici par excès d'enthousiasme. La volonté qu'a Lichtenstein de se trouver une singularité en pratiquant l'humour noir n'atteint pratiquement jamais la cible. Ce qui faisait en outre la richesse de Little Miss Sunshine, qui a visiblement servi de modèle ici (le vieux père iconoclaste), contribue à donner plutôt au film un aspect très maniéré, et aux personnages un caractère désincarné. Dommage.

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