Les Oscars ont souvent distingué des films traitant de la Shoah et certains observateurs se demandent si des studios hollywoodiens ne misent pas sur des films décrivant les horreurs de la Seconde Guerre mondiale pour augmenter leurs chances de recevoir une statuette.

Un nombre inhabituel d'oeuvres consacrées de près ou de loin à la barbarie nazie sont sortis sur les écrans nord-américains à l'automne, saison préférée pour les films candidats aux Oscars: The Boy in the Striped Pajamas, Good, Valkyrie, Adam Resurrected, Les insurgés et The Reader.

Cette dernière oeuvre a obtenu cinq nominations, dont dans les catégories du film, du réalisateur et de l'actrice pour Kate Winslet, qui joue une ancienne gardienne de camp de concentration.

Mais le journaliste new-yorkais Ron Rosenbaum, auteur d'un livre sur Hitler, a qualifié The Reader de «pire film jamais tourné sur l'Holocauste».

«Il s'agit d'un film dont le ressort métaphorique principal consiste à disculper les Allemands ayant vécu à l'époque nazie de leur complicité pour avoir été au courant de la solution finale», a affirmé M. Rosenbaum sur le site Slate.com.

«Le fait qu'il ait été récemment nommé pour l'Oscar du film prouve que Hollywood semble penser que si c'est un film «sur l'Holocauste», il doit être honoré, un point c'est tout», a-t-il ajouté.

Andrew Wallenstein, rédacteur en chef adjoint du journal The Hollywood Reporter, est allé jusqu'à accuser les studios d'«exploiter une tragédie pour obtenir la gravité (cinématographique) conférée par l'Holocauste», dans un entretien à la radio publique NPR.

«Il faut le dire: la raison pour laquelle il y a tellement de films comme cela est qu'ils sont des appâts pour obtenir des récompenses», a-t-il ajouté.

En 1994, La liste de Schindler a obtenu sept Oscars. Neuf ans plus tard, Le pianiste en a reçu trois. En 2008, le trophée du film étranger est revenu aux Faussaires, un film autrichien se déroulant dans un camp nazi, neuf ans après avoir récompensé La vie est belle de Roberto Benigni.

Annette Insdorf, auteur d'un essai sur le cinéma et la Shoah, reconnaît que de nombreux films sur l'Holocauste ont été récompensés aux Oscars, mais que cela traduit davantage «la fascination (de Hollywood) pour des histoires de conflit, de lutte et de rédemption».

Mme Insdorf a dit ne pas être d'accord avec les critiques contre The Reader, affirmant qu'il ne s'agit pas d'un film sur l'Holocauste dans le sens le plus strict.

«Cela parle de l'apprentissage d'un jeune homme: une femme avec un secret remontant à la Seconde Guerre mondiale est vue à travers les yeux d'un jeune amoureux». «Ces personnages (...) se rencontrent après la guerre», rappelle-t-elle.

Pour Scott Feinberg, qui écrit dans le supplément du Los Angeles Times The Envelope, les films sur l'Holocauste peuvent séduire l'Académie des Oscars parce que ce sont des films «avec un message important».

Mais «Hollywood se retrouve en pleine polémique avec des films comme The Reader cette année. Beaucoup de gens sont en colère parce qu'ils disent que c'est une tentative éhontée de tenter de gagner un Oscar», explique M. Feinberg à l'AFP.

La sélection de The Reader parmi les cinq finalistes au prestigieux Oscar du film a pu surprendre, alors que The Dark Knight paraissait bien placé. «Il y a beaucoup de gens qui sont furieux que The Reader ait apparemment sorti Batman de la sélection», assure M. Feinberg.

«À tort où à raison, il y a des préjugés (aux Oscars) contre certains films. Il y a aussi des préjugés en faveur de certains genres de films, ce qui a donné un élan décisif à The Reader», estime-t-il.