Quand les Productions et réalisations indépendantes de Montréal (PRIM) ont offert une résidence à Denis Côté, le cinéaste n'avait pas d'idée de film. Mais il a pensé à une photo vue quelques années plus tôt. Celle d'un endroit hallucinant où s'entassaient 4000 carcasses de voitures. Et un propriétaire - tout un spécimen - nommé Jean-Paul Colmor. Ainsi est né Carcasses.

«Le lieu est cinématographique et le bonhomme est du jus à documentaire», raconte Denis Côté, dont les films - chouchous des festivals - sortent souvent les spectateurs de leur zone de confort.

Pas question, donc, pour son quatrième long métrage de réaliser un documentaire plus «conventionnel». «Je reste attaché à ma démarche de mélanger fiction et documentaire» explique Denis Côté.

Sujet de ce documentaire: Jean-Paul Colmor, un sexagénaire excentrique «ramasseux». Tout un personnage. Un revendeur de pièces qui a accumulé des milliers de vieilles voitures sur son immense terrain, situé dans le fin fond d'un rang de Saint-Amable.

Personnage haut en couleur, Colmor pourrait même faire l'objet d'une thèse de psychologie. Mais Denis Côté ne cherchait pas à dresser son portrait. «Si tu veux vraiment connaître Jean-Paul Colmor, le film reste à faire», dit même le cinéaste.

Denis Côté l'a filmé dans son quotidien pour «le simple plaisir de voir un vieil excentrique travailler dans sa ferraille». «Je voulais montrer un homme, sa solitude, son lieu, et le communiquer de la façon la plus cinématographique possible.»

Les scènes en plans fixes de Carcasses sont longues. Le spectateur observe Colmor qui «gosse» dans ses tas de métal. «C'est pour me garder occupé», vous dira-t-il.

Denis Côté fait interagir avec lui deux jeunes femmes de la ville qui font très «Plateau». Elles font référence aux multiples photographes et badauds qui s'arrêtent chaque semaine sur le terrain de Colmor après en avoir entendu parler.

Ensuite, quatre jeunes trisomiques armés tentent de prendre le contrôle du terrain. Pour Denis Côté, ils ont quelque chose en commun avec Colmor. «Il y a des gens qui sortent consciemment de la société. À l'inverse, il y a des gens que nous, on sort de la société. Je voyais ce lieu-là comme un paradis de marginaux», explique-t-il.

Un spectateur qui se pose trop de questions risque fort de manquer de réponses. «Ça reste du domaine de la fantaisie, du marginal et de l'excentricité», souligne-t-il.

Denis Côté sait très bien que les «ruptures de ton» de fiction ajoutées à la trame du documentaire ne plairont pas à tous. «Il y a une part de mes films qui est liée à la provocation. Ce n'est pas du prêt-à-regarder.»

Tout cinéphile qui connaît Denis Côté n'en sera pas étonné. Après tout, Nos vies privées a été tourné en bulgare dans une forêt québécoise. Elle veut le chaos, qui lui a valu le prix de la mise en scène à Locarno, était aussi un film «ouvert» qui racontait le conflit de deux familles rivales au bord de l'autoroute 20.

Selon Denis Côté, Carcasses est plus près de son premier long métrage, Les États nordiques. «Quand je l'ai fini, je ne savais pas quel film j'avais. Je me disais: ce mélange de documentaire et de fiction, ça marche-tu?»

Il se dit incapable de faire des films qui font l'unanimité. «Je ne veux pas raconter une histoire de A à B, et de B à C. Je veux confronter les formes et jouer avec le langage cinématographique», conclut-il.

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Carcasses sera présenté en première dans le cadre des Rendez-vous du cinéma québécois. Samedi soir, 19 h 30, en présence du réalisateur.