Année après année, le système qui mène au choix des lauréats des Oscars - qui avait permis à Rocky de battre Taxi Driver en 1976! - est remis en question par les critiques. La Pressel fait le point sur cette controverse ranimée récemment par un chroniqueur du Wall Street Journal.

Le système de vote des Oscars est contesté, et contestable. Récemment, le chroniqueur mathématique du Wall Street Journal sonnait la charge avec un article où des spécialistes des systèmes de votes, politologues et statisticiens, condamnaient ce système alambiqué, qui favorise des films ayant à la fois des partisans et des détracteurs.

Il y a en fait deux systèmes. L'un pour choisir les films en nomination, et l'autre pour désigner le vainqueur. Le grand gagnant est désigné par le plus grand nombre des voix, un système simple mais qui permet à un film de gagner avec seulement 21% des voix. C'est ainsi que les spécialistes expliquent la victoire de Rocky: les membres plus «cérébraux» de l'Académie ont divisé leurs votes entre Taxi Driver, All the President's Men et Network, permettant à la minorité qui aime les films d'action de l'emporter.

Les films en nomination sont choisis par un mode de scrutin préférentiel, qui compile le palmarès des cinq meilleurs films de chaque membre de l'Académie. Les deux ou trois films qui ont été placés au premier rang par au moins 20% des membres sont automatiquement choisis. Ensuite, on élimine les films n'ayant reçu aucun premier rang. Les films qui restent sont éliminés l'un après l'autre, sur la base du film ayant reçu le moins de premiers rangs, jusqu'à ce qu'il y ait cinq candidats.

Le hic, c'est qu'après chaque élimination, les votes sont réalloués. Lorsqu'un film placé au premier rang par certains membres est éliminé, son deuxième choix se hisse au premier rang. Si le deuxième choix est aussi éliminé, son troisième choix se hisse au premier rang.

Selon une simulation faite par le quotidien new-yorkais, si un film est choisi au deuxième rang par tous les membres l'Académie, cela pourrait permettre à un film choisi au troisième ou quatrième rang par la plupart des membres de se glisser parmi les films en nomination, parce que le système élimine rapidement le film choisi au deuxième rang par tous les membres.

Des spécialistes québécois interrogés par La Presse sont d'accord avec l'analyse du Wall Street Journal. «Le choix des films en nomination est particulièrement problématique», estime Henry Milner, politologue à l'Université de Montréal.

Stéphane Rouillon, un ingénieur montréalais qui était témoin expert dans le récent procès cherchant à invalider le mode de scrutin québécois, estime qu'un système de pondération, qui attribue des points selon le rang dans le palmarès de chaque membre, ou encore mieux un système éliminant les votes extrêmes pour ne retenir que le vote médian, comme dans les compétitions de natation, refléterait mieux la qualité des films.

Mais cela exclurait les oeuvres qui divisent. Et les critiques soulignent souvent que les meilleurs films sont parfois ceux qui suscitent des opinions contrastées. Rocky, finalement, a peut-être beaucoup en commun avec Crash (2006), Million Dollar Baby (2005) ou American Beauty (2000).