L'Oscar géant annonçait les couleurs de la soirée: pour une deuxième année, les amateurs de cinéma étaient invités au Cinéma du Parc afin de vivre la grande fête hollywoodienne en bonne compagnie. Ils sont plus de 350 à avoir répondu à l'appel.

Pas de tapis rouge devant le Cinéma du Parc, pas de robes longues pour mouler les dames ni d'escarpins pour les chausser. De toute manière, rien de cela n'aurait survécu à la bordée de neige qui s'est abattue hier sur Montréal! Ce qui n'a pas empêché l'atmosphère d'être à la fête (sage mais sympa)... une fois à l'intérieur: accueillies par un Oscar de 2 m, pur plastique mais doré comme il se doit, quelque 350 personnes atteintes de la fièvre «oscarienne» ont commencé à arriver vers 18 h, fait la queue dans les escaliers menant au cinéma, et ont finalement rempli à presque capacité deux grandes salles du cinéma.

Ces 350 cinéphiles avaient répondu à l'invitation, la deuxième du genre, lancée par Roland Smith. Son idée: «Nous sommes nombreux à regarder cette cérémonie, chacun chez soi. Je me suis dit pourquoi ne pas nous réunir pour regarder sur grand écran cette soirée consacrée à ce qui se fait au grand écran? En plus, le scénario se bâtit au fur et à mesure, il n'est jamais écrit à l'avance», fait celui pour qui «le film de l'année» est Slumdog Millionaire de Danny Boyle... et pas seulement parce que c'est un long métrage qui a fait sonner les caisses du Cinéma du Parc.

Il a donc invité les habitués de «son» cinéma à assister gratuitement à la 81e cérémonie des Oscars. L'une des salles a été animée, en français, par Marc Lamothe, du Festival Fantasia. Dans l'autre, David Nankoff, coorganisateur du Montreal Arts and Entertainment Social Group, a fait de même «in English». Les pauses commerciales se sont ainsi transformées en périodes de jeux-questionnaires (oui, avec prix à la clé) plutôt qu'en séances de «zappage» vers Tout le monde en parle ou Star Académie.

«En fait, pour moi, ce sera l'occasion de voir la soirée au complet parce que j'ai tendance, d'habitude, à aller d'une chaîne à l'autre», note Mathieu Auclair qui a décidé d'assister à la manifestation sur un coup de tête... et en compagnie de son amie Sophie Panhard, tous deux attirés par la silhouette d'Oscar devant le cinéma. Son regret: «Que The Dark Knight n'ait pas été plus remarqué par les membres de l'Académie.» Au moins, «son» homme ferait partie des gagnants. Il n'en avait aucun doute. Il ne s'est pas trompé: «Heath Ledger», souffle-t-il

Une pause Oscar

Le réalisateur français Karl Zéro, de passage à Montréal pour la sortie de son film Being W, a lui aussi pris le temps d'une pause Oscar «après une vraie journée de touriste: déjeuner dans le Chinatown, virée au casino, promenades en ville... où j'ai eu très froid - même si vous allez me dire qu'il a fait doux». Oui.

Bref, une soirée assez unique pour cet homme d'images puisque, décalage horaire oblige, «en France, à peu près personne ne regarde le gala en direct. Et en différé, c'est beaucoup moins intéressant: le suspense n'est plus là».

Autre raison, pour lui, d'être particulièrement attentif à la soirée: son ami Alexandre Desplat - «Il signait la musique de sketches que j'écrivais pour la télé» - était en nomination pour la trame sonore deThe Curious Case of Benjamin Button.

Stanley Aleong et sa conjointe, eux, sont arrivés juste avant que Hugh Jackman n'ouvre la cérémonie. Ils étaient présents l'an dernier. Avaient adoré l'expérience. Les quiz à la place des pauses commerciales. Et les prix? «Ça, je ne sais pas: on n'a rien gagné», pouffe cet habitué des lieux qui savait, au départ, que son film préféré ne gagnerait pas: Changeling de Clint Eastwood n'était pas en nomination dans la grande catégorie. «Mais ce n'est pas grave, le plaisir, c'est de voir le gala en bonne compagnie.»

«Et pour nous, conclut en riant Jean-François Lamarche, programmateur au Cinéma du Parc, c'était une bonne manière d'avoir du monde ce soir: autrement, nos salles auraient été vides... vous auriez tous été devant votre télévision - pour les Oscars.» Personne ne l'a contredit.