Bien installé dans le circuit international des festivals de court métrage, Regard démarre sa 13e fête annuelle dans l'enthousiasme. Planté à Saguenay, invitant des représentants de festivals internationaux, Regard sur le court métrage agit localement, mais pense globalement...

Les soirs d'avant-première et de première ont une saveur particulière au festival Regard sur le court métrage. Sans tapis rouge ni carré VIP, le festival de courts métrages le plus connu au Québec mêle simples spectateurs et personnalités du cinéma: une leçon de convivialité qui fait la renommée de Regard au-delà des frontières du Royaume.

«Quand tu viens ici, tu viens pour les films, les activités de plein air et les liens qui se font: on rend tout ça accessible, se félicite Éric Bachand, directeur artistique et fondateur du festival. C'est un beau lieu de réseautage.»

Ce réseautage attire ainsi pour la deuxième année Pascal Hologne, programmateur du Festival du court métrage de Bruxelles. «En effet, on voit des films, mais le plaisir c'est de rencontrer beaucoup de monde: c'est très convivial. Ça m'arrive de rencontrer des gens que je ne pourrais rencontrer ailleurs: d'ailleurs, je rencontre même des Belges ici!» s'amuse-t-il.

Pour sa 13e année, Regard réunit donc, outre les personnalités du cinéma québécois (Danny Lennon de Prends ça court!, Jean Hamel de l'INIS ou Ségolène Roederer des Rendez-vous du cinéma québécois, entre autres), un bon nombre de délégués venus de l'étranger comme Hélène Vayssières, responsables des courts et moyens métrages pour la chaîne Arte, Angèle Paulino, acheteuse pour TV5 Monde, ou encore Alexander Stein, le programmateur du festival de courts métrages berlinois Interfilm.

Des films du Québec et de l'Europe

Avec 70 films en compétition - en provenance du Québec mais aussi de l'Europe -, sélectionnés parmi 600 films, le festival Regard est un temps fort de l'année du court métrage. Au coeur de l'arrondissement de Chicoutimi, le Festival allie, comme tous les grands festivals de cinéma, projections pour le public, mais aussi marché du film pour les professionnels.

«Il y a eu d'autres festivals de courts métrages qui ont disparu. Regard, lui, a pris sa niche et a pris le pari de grossir au fil des années avec le marché de professionnels, par exemple», explique Jean Hamel. Le directeur des communications de l'INIS accompagne cette année le court métrage de Pierre-Antoine Fournier, Déraciné, déjà présenté dans plusieurs festivals internationaux, dont celui de Clermont-Ferrand.

Tout comme le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, Regard déplace pour quelques jours le centre de gravité du cinéma de Montréal dans une région. Et pourtant, si le succès d'un festival de cinéma spécialisé dans le court métrage n'avait rien d'évident, il est en grande partie imputable à la fidélité du public local.

«Regard stimule la création: on n'a pas, sinon, accès à un cinéma diversifié en salle», rappelle Sylvie Poisson. À la tête du volet scolaire de Regard, Sylvie prêche la bonne parole auprès des enfants et adolescents de la région: «Je leur dis que j'aime le cinéma, je leur dis aussi de prendre des risques dans leurs choix de films quand ils vont en louer», dit-elle.

Ce «défrichage culturel», comme l'appelle l'une des bénévoles du festival auprès des écoles, touche plus de 5000 jeunes dans la région. En plus de projections, les élèves du secondaire se voient offrir des cours d'introduction à l'histoire du cinéma. «Au Saguenay, si tu as entre 14 et 16 ans, t'as vu du court, c'est sûr», se félicite Ian Gailer, directeur général de Regard sur le court métrage.

Il y a, de plus, un important bassin d'étudiants en arts au Saguenay, que ce soit à l'Université du Québec à Chicoutimi ou au Cégep de Jonquière. Regard entend aussi montrer aux jeunes créateurs qu'il existe un avenir en cinéma en dehors des grandes villes de la province. Un centre d'arts médiatiques, la bande Sonimage, vient d'ailleurs de voir le jour à Saguenay.

À ce titre, le cas de Sébastien Pilote est souvent cité en exemple. Le réalisateur, installé dans la région, a réalisé, entre autres, Dust Bowl Ha! Ha!, un court métrage sélectionné au Festival de Locarno et acheté par la chaîne Arte. Il prépare actuellement son premier long avec la productrice de Benoît Pilon (Ce qu'il faut pour vivre) et de Bernard Émond (La neuvaine), Bernadette Payeur. Un film qu'il rêve de tourner dans la région, si Téléfilm Canada le soutient.

Changer les choses

Si le Regard sur le court métrage peut s'enorgueillir de faire partie des festivals de courts métrages les plus influents du continent, ses organisateurs veulent continuer à relever de nouveaux défis et se battre pour la reconnaissance et la diffusion du court métrage en salle, mais aussi sur les chaînes de télévision publiques.

«Après 13 ans, on veut changer les choses, contribuer à une prise de conscience, stimuler la volonté politique d'encourager le court. Comme pour le long, dans le court, on travaille avec un producteur, un scénariste. Je pense qu'en finançant mieux les courts, on aura de meilleurs longs», croit Éric Bachand.

Si la production de courts métrages reste forte au Québec, la diffusion est, elle, en perte de vitesse, poursuit M. Bachand. «Je trouve que les institutions font des choix sociaux. Les télés publiques devraient être obligées de soutenir le court. Il y a une place pour le court professionnel et abouti. La télévision devrait en diffuser. Ce serait déjà un bon début», dit-il.

Le festival Regard sur le court métrage se poursuit jusqu'à demain. Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par le Festival Regard sur le court métrage au Saguenay.