Après deux années de vaches maigres, l'espoir de voir revenir des tournages américains cette année renaît à Montréal. «On ne pense pas que ce sera fantastique, mais il y a des rumeurs encourageantes», dit Gaétan St-Antoine, attaché politique au Conseil de l'AQTIS, le syndicat québécois des techniciens.

Blue Mountain State, une série produite par Lions Gate avec le soutien de la Société générale de financement, sera tournée au Québec au début de l'été. Avec un budget de 30 millions, la série télé devrait générer des retombées économiques supérieures à 60 millions tout en créant 700 emplois. «C'est le début de notre renaissance», salue Hans Fraikin, commissaire du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ).

Et pourtant, cette «renaissance» québécoise paraît bien mince en comparaison des tournages qui occupent actuellement l'Ontario et la Colombie-Britannique. Les deux provinces canadiennes, très prisées par Hollywood, semblent résister mieux que le Québec au ralentissement créé par les menaces de grève des acteurs et la crise économique.

Ce printemps seulement, Toronto accueille le tournage de quelques gros films américains: le sixième volet de la franchise «Saw» mais aussi l'adaptation au cinéma de la série télévisée Scott Pilgrim vs. The World. À Vancouver, ce sont huit longs métrages qui sont déjà prévus, parmi lesquels la suite très attendue de Twilight.

Comme le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique ont subi le contrecoup de la grève des scénaristes ainsi que de la hausse du dollar canadien l'an dernier. En Ontario, 23 tournages américains ont rapporté 126 millions en 2008, contre 35 projets et 292 millions en 2007. La Colombie-Britannique a accueilli 86 projets pour 841 millions en 2008. C'est plus de revenus qu'en 2007, mais moins qu'en 2006 et 2005.

Toronto mise gros

«On espère connaître une meilleure année en 2009 qu'en 2008, mais c'est difficile à prévoir. On voudrait voir une augmentation des tournages étrangers, mais l'industrie est volatile», explique prudemment Donna Zuchlinski, chef du développement des films pour l'Ontario Media Development Corporation (OMDC).

Toronto n'hésite pas à mettre le paquet pour ramener Hollywood dans son giron. Depuis cinq ans, l'Ontario a son bureau à Los Angeles. «Cela nous a beaucoup aidés, nous sommes en contact permanent avec les clients, nous pouvons construire et développer des relations avec eux», se félicite Mme Zuchlinski.

L'ouverture de Filmport, un immense complexe de cinéma doté de sept studios dont un de 45 000 pieds carrés, en plein Toronto, contribue aussi à redorer le blason de la Ville reine. «Quand nous avons ouvert l'été dernier, il n'y avait pas beaucoup de tournages à cause du cours du dollar. Maintenant, nous sommes presque pleins: il y a des pilotes tournés pour NBC et Disney. Nous sommes aussi en négociation pour des films», dit le président de Filmport, Ken Ferguson.

À crédit d'impôts égaux entre les provinces, comment expliquer les difficultés persistantes de Montréal? «Ce qui fait la différence, c'est que l'Ontario a deux personnes à Los Angeles sur le terrain. Moi, je n'ai pas ça», répond Hans Fraikin, du BCTQ.

Vancouver la choyée

Autre avantage de Vancouver, sa proximité avec la Californie et sa diversité de paysages.

«La Colombie-Britannique peut être la Californie autant que l'Afghanistan. On peut tourner en extérieur toute l'année et c'est ce qui nous a permis de construire, depuis 30 ans, notre industrie», dit Susan Croome, commissaire du Bureau du cinéma de Colombie-Britannique.

À Hollywood, les affaires peuvent aussi être une question de karma. «On remarque qu'Hollywood a des villes favorites et d'autres qu'elle punit au grès de ses humeurs. Cela a été le cas de Toronto, sans que nous ne comprenions pourquoi. C'est peut-être le cas de Montréal aujourd'hui», avance Ken. Ferguson.

À Montréal, on veut croire dans une sortie de crise prochaine. La visite du maire Tremblay a Hollywood porte ses fruits, croit-on au Bureau du cinéma et de la télévision. Au provincial, le gouvernement est aussi sensible à l'avenir d'une industrie qui fait vivre 500 petites et moyennes entreprises et 35 000 personnes au Québec. «Il faut maintenant trouver la formule gagnante pour nous remettre dans la course», dit Hans Fraikin.

Le Canada restera toujours une destination privilégiée pour les producteurs américains, croit Mme Croome. «Les producteurs ont essayé d'autres destinations, mais ils se rendent compte que la qualité n'est pas là. Le Canada profite d'un dollar bas, mais aussi de sa fiabilité. C'est un pari sûr.»

Compétitifs, les crédits d'impôts québécois?

À l'échelle du Canada, les mesures d'incitation fiscale du Québec sont compétitifs. Comme l'Ontario et la Colombie-Britannique, les crédits d'impôt sont offerts ici pour les productions étrangères sur la main-d'oeuvre locale (25 %). Une bonification peut être appliquée pour les employés qui travaillent aux effets spéciaux (20 %).

C'est au niveau mondial que la concurrence est féroce, croit Jean-Philippe Normandeau, directeur général du développement stratégique et de l'aide fiscale de la SODEC. « En Europe de l'Est, les salaires sont moindres qu'au Québec. Pour un tournage de base, nos salaires ne sont pas concurrentiels avec ceux de la Hongrie. Le nerf de la guerre est là», estime l'expert.

Les productions étrangères en chiffres

> Revenus en Ontario

2008 : 126,6 millions
2007 : 292,4 millions
2006 : 338,7 millions

(Source: Ontario Media Development Corporation)

> Revenus en Colombie-Britannique

2008 : 841,2 millions
2007 : 535,6 millions
2006 : 950 millions

(Source: British Columbia Film Commission)

> Revenus au Québec

2008 : 60 millions
2007 : 270 millions
2006 : 190 millions

(Source: Bureau du cinéma et de la télévision du Québec)