Mathieu Roy, 31 ans, s'estime chanceux. Mort à Venise: un voyage musical avec Louis Lortie, le film qu'il a réalisé avec la complicité du pianiste, ouvrira ce soir le 27e Festival international du film sur l'art qui se poursuivra jusqu'au 19 mars. Rencontre avec l'auteur de cet OVNI (objet visuel non identifié).

Mort à Venise... est un film particulier. Louis Lortie, ce grand pianiste québécois que l'on voit plus souvent ailleurs qu'au Québec, assis dans une gondole, nous parle de l'influence de Venise sur de grands compositeurs (Fauré, Chopin, Lizst, Debussy...). On le retrouve ensuite devant un piano, un Fazioli, pour interpréter des extraits d'oeuvres des musiciens cités. Pendant que le pianiste joue avec les notes, le réalisateur joue avec les images à la manière d'un plasticien. Quant au spectateur, il a l'impression de glisser sur les canaux de Venise à bord d'un piano, bercé par des ondes aussi bien visuelles que sonores. Il découvre un Louis Lortie pédagogue, féru d'histoire et de culture, passionné de musique. Et un jeune cinéaste ingénieux.

Nous avons rencontré Mathieu Roy chez Else's, le pub de la rue Roy situé au coeur de ce que les gens de McGill appellent The Village. Le jeune homme a tâté du journalisme avant de trouver sa voie dans le cinéma.

«J'ai grandi dans le journalisme, explique le fils de Michel Roy et Monique Roy, frère de Patrice (de Radio-Canada). Mais quand j'ai commencé à travailler dans le domaine, je n'ai pas aimé la pression. Il fallait écrire chaque jour! Pas le temps de réfléchir. Disons que j'ai été désillusionné.» Mais Mathieu Roy avait une autre passion: le cinéma. «On peut travailler trois, quatre ans, au même film», dit-il.

À la condition de pouvoir en faire.

Les (grands) moyens pour faire du cinéma

L'ex-aspirant journaliste a donc pris les grands moyens. Cours intensifs, et chers, à la New York Film Academy, «qui m'a ouvert sur le monde, et sur le cinéma étranger de même que sur les difficultés de faire des films», puis entrée à l'INIS à Montréal «où j'ai pu réaliser des films, ça a été génial», dit celui que se fit remarquer par son François Girard en trois actes, en 2005. «Je me suis retrouvé ensuite parmi les nombreux troisièmes assistants de Martin Scorsese sur The Aviator tourné en partie à Montréal. Scorsese cherchait un assistant personnel, explique-t-il. Je pense que mon séjour à New York a joué, car c'est moi que l'on a choisi. Et j'ai gardé des liens avec Scorsese.»

Comme il avait gardé des liens avec Louis Lortie pour lequel il avait conçu, avec d'autres, le site web, avant de créer des images pour un concert visuel qu'a donné le célèbre pianiste, concert qui devint par la suite ce voyage musical sur film.

Si Lortie est le pianiste le plus inspiré que connaisse Roy, «Scorsese est le plus grand cinéphile au monde! dit-il. Il a créé, il y a deux ans, la World Cinema Foundation et m'a demandé si je voulais faire un film sur l'évolution de sa fondation qui veut restaurer la mémoire du cinéma...» C'est un projet à long terme comme les aime le réalisateur, et qui lui permet de faire des sauts régulièrement à New York ou ailleurs.

Mathieu Roy travaille en même temps, depuis quatre ans, à un autre projet avec Cinémaginaire. Le titre: A Short History of Progress, «un film sur notre dépendance au progrès depuis l'homme de Cro-Magnon, explique-t-il. Sur la culture à court terme. Depuis 50 000 ans, on tombe toujours dans la même trappe... Le montage devrait bientôt commencer. Le film sera distribué par Alliance.»

Pour lui, le documentaire n'est pas du journalisme. «Je ne fais pas de distinction entre fiction et documentaire, explique-t-il. Dans chaque cas, on raconte une histoire avec une vision personnelle, que l'on ait recours à des acteurs ou à des gens ordinaires. Il y a de la place pour la création, de la place pour l'esthétique, pour une réflexion plus profonde...» Le réalisateur a d'ailleurs un projet de premier film de fiction pour lequel il cherche du financement.

En peu de temps, Mathieu Roy a fait beaucoup de chemin. Chose certaine, il a trouvé sa voie, et sa voix, comme vous pourrez le constater ce soir, à la soirée d'ouverture au Musée des beaux-arts, à 20 h. Le film sera aussi projeté au même endroit le dimanche 22 mars, à 16 h, et le mercredi 25 mars, à 21 h. Il sera aussi présenté sous peu à ARTV.

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Le 27e Festival international du film sur l'art, jusqu'au 29 mars. Infos: www.artfifa.com